De la ramasse à la distribution des vivres, une matinée avec les bénévoles et bénéficiaires des Restos du cœur d'Ambert

Aux Restos du cœur d’Ambert, le nombre de personnes accueillies ne cesse de grimper. La vingtaine de bénévoles continue de mener la barque et de les accompagner, bien au-delà de l’aide alimentaire.

Pendant qu’il récupère un véhicule utilitaire prêté par la communauté de communes, René s’assure qu’il n’a rien oublié : le tampon estampillé Restos du cœur, un thermomètre pour respecter la chaîne du froid même si « en ce moment il n’y a pas trop de souci de ce côté-là ! », et de nombreux sacs de course qui seront remplis dans quelques minutes des produits de la « ramasse ».

René fait partie des 28 bénévoles de l’antenne ambertoise des Restos du cœur. Sa tâche à lui : se rendre chaque lundi ou mercredi dans les grandes surfaces d’Ambert pour récupérer les invendus de la veille et les produits à date de péremption courte. « On a une belle ramasse aujourd’hui : des yaourts, des légumes, des œufs, du fromage… Même du lapin, c’est plutôt rare ! », remarque-t-il.

Comme la plupart des bénévoles, il est retraité. S’il s’est investi il y a six ans dans l’association créée par Coluche en 1985, c’est pour « rendre service et être utile ».

Une fois le petit camion rempli de vivres, le bénévole se dirige vers le QG des Restos, au 38, rue du Midi à Ambert. Là, les petites mains s’affairent déjà, dans une organisation millimétrée. Chacun trie selon son rayon, prépare les documents avant l’arrivée des premiers bénéficiaires, à 9 h 30. « Moi je m’occupe du bar et je propose des petits gâteaux aux gens », sourit Blandine, bénévole depuis 2020.Annie, elle, est l’une des plus aguerries et connaît « presque toutes les familles accueillies ». Elle a commencé à donner de son temps aux Restos en 2006, au moment de la retraite :

Tant que j’ai la santé, je continuerai… Quand je suis rentrée aux Restos, la vie était plus douce. Rendez-vous compte, la première campagne d’été, il y avait 14 foyers aidés à Ambert, l’an passé, on tournait autour de 130… Les situations que l’on rencontre aujourd’hui sont bouleversantes. 

Chaque bénéficiaire repart avec un cabas plein et plusieurs repas garantis. Neuf repas par semaine et par personne sont servis. Françoise Vissac, responsable des Restos du cœur d’Ambert depuis un an, dresse le panier-repas type : « On donne des protéines, des légumes ou féculents, une portion de laitage et un dessert. Certains repartent avec quinze jours de vivres, car ils viennent de Saint-Anthème, Olliergues, et ne peuvent pas faire le trajet chaque semaine à cause du coût du carburant… »

Malgré la ramasse dans quatre supermarchés, auprès de trois boulangeries ainsi que d’autres dons d’entreprises ou d’associations, en plus de la livraison d’appoint des Restos de Clermont-Ferrand, les stocks sont vite écoulés. « La collecte qui est réalisée dans les supermarchés en mars nous permet de tenir l’année entière. On ne manque pas, mais il faut bien tout cela, car ça va très vite », assure Françoise Vissac.

En chiffres54.548 repas ont été servis entre novembre 2021 et novembre 2022, aux Restos du cœur d’Ambert.153 familles ont été accueillies en 2021-2022 (soit 331 personnes dont trois bébés). C’est 23 familles de plus que l’année précédente.14.400 repas ont déjà été servis depuis le début de la 38e campagne d’hiver, le 21 novembre 2022.

Actuellement, 138 familles (soit 274 personnes, dont 11 bébés) sont aidées par les Restos depuis le début de la campagne d’hiver, en novembre. Une aide alimentaire gratuite conditionnée selon les revenus après déduction des charges liées à l’énergie, contrairement à l’accueil qui reste inconditionnel. Mais la responsable sait que ce chiffre n’est pas définitif. Les inscriptions continuent chaque semaine.

« Avec l’inflation, les gens sont plus en difficulté. On a tous les profils : des retraités avec de faibles pensions, des demandeurs d’asile, des personnes qui ont déménagé et n’ont pas encore touché d’aides… » 

Chaque semaine, les bénévoles ne sont pas là que pour distribuer à manger. C’est aussi un soutien psychologique, social qu’ils proposent. Et certains les remercient en donnant de leur temps comme David, à la fois bénévole et bénéficiaire. « C’est ça la solidarité, ça m’aide beaucoup », sourit celui qui est hébergé chez les Sœurs dominicaines, à deux pas d’ici. 

Léa fait partie de ceux qui ont poussé la porte des Restos il y a peu, en novembre dernier. La quadragénaire n’a pas eu le choix face à sa situation. En congé parental pour élever ses deux enfants dont un bébé de 17 mois, elle travaille habituellement à mi-temps. « J’ai un petit salaire. Et en ce moment, c’est très compliqué… Je viens ici car ça nous permet de compléter et d’équilibrer nos repas, surtout pour les enfants », indique-t-elle en attendant dans la file des bénéficiaires, ce mercredi matin là.

Elle apprécie surtout de « pouvoir manger de tout, et se faire plaisir avec les desserts ».

La viande, c’est quelque chose que l’on ne peut plus acheter en ce moment, ça coûte très cher. Alors oui, cette aide nous permet d’égayer les repas, et de remonter notre moral.

Autour d’une tasse de café, au comptoir du petit bar des Restos du cœur, Chloé (*) attend aussi son tour. Cette quadragénaire vient aux Restos du cœur d’Ambert depuis trois ans, « mais pas de façon régulière ».

Elle a vécu une séparation compliquée, enchaîne les petits boulots et a le droit à l’aide alimentaire. « J’étais encore en intérim, en tant qu’aide ménagère et auxiliaire de vie il y a quelques jours. Il faut savoir qu’il y a aussi des gens qui travaillent et qui ne s’en sortent pas ! Le regard des gens est impitoyable... », confie-t-elle, tout en gardant sa combativité. Mais ici, aux côtés des bénévoles, elle ne se sent « pas jugée ». « C’est convivial, les bénévoles sont très gentils. Ça fait du bien, car la précarité isole beaucoup. » 

(*) Le prénom a été modifié pour respecter l’anonymat.

Pratique. Distribution les lundis et mercredis, de 9 h 30 à 11 h 30, au 38, rue du Midi à Ambert. Collecte les 3, 4 et 5 mars dans les supermarchés.

Texte et photos : Fanny Guiné