Pourquoi l’UE a finalement reporté son plan "Made in Europe"
Il aurait dû être présenté ce mercredi 10 décembre. Mais ne le sera finalement qu’en janvier 2026 au plus tôt. Un plan pour "l’accélération industrielle", préparé par le commissaire européen chargé de l’Industrie Stéphane Séjourné, est censé fixer aux industriels des objectifs chiffrés de "Made in Europe", en leur imposant d’utiliser très majoritairement des composants européens pour pouvoir bénéficier d’aides ou de commandes publiques.
Mais les ministres de l’industrie européens n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les secteurs auxquels il devrait s’appliquer. Au grand dam de la France, qui pousse pour ce projet depuis longtemps.
Un risque d'"étouffer l’innovation"
D’autres pays y voient en effet une menace pour la compétitivité européenne. Au cœur de la controverse : des quotas de contenu domestique, prévus pour certains produits comme les automobiles ou les onduleurs solaires, afin de réduire la dépendance à la Chine, explique le Financial Times. Neuf économies parmi les plus libérales des Vingt-Sept, comme la République tchèque, l’Irlande, ou les pays baltes et nordiques, sont ainsi vent debout contre ce texte. Selon eux, la préférence européenne ne devrait être qu’un "dernier recours", au risque d'"étouffer l’innovation" et de mettre en péril "de potentiels accords commerciaux".
"Si les incitations à la R & D et à l’efficacité sont affaiblies au sein du marché unique, où seules les entreprises européennes opèrent, nous risquons de perdre en compétitivité à l’échelle mondiale et de constater une baisse de la qualité et une hausse des prix au niveau national, notamment dans le cadre des appels d’offres publics. De plus, les entreprises de l’UE ne peuvent pas toujours absorber la demande dans tous les secteurs émergents", fait valoir un document signé par ces neuf pays.
De son côté, l’Allemagne, longtemps opposée au projet, a récemment assoupli sa position, cherchant à enrayer le déclin de son industrie automobile et d’autres secteurs, selon de hauts responsables berlinois.
Craintes pour la compétitivité et la dépense publique
Selon plusieurs personnes au fait de la situation, citées par le FT, si elle était mise en œuvre, cette préférence européenne pourrait coûter aux entreprises de l’UE plus de 10 milliards d’euros par an, en les incitant à acheter des composants européens plus chers. Pour réduire cette facture, les services commerciaux et économiques de la Commission européenne cherchent actuellement des pistes pour édulcorer la proposition. Ils craignent son impact sur la compétitivité de l’UE et le recours accru aux fonds publics pour l’achat de produits européens, tels que les bus électriques et les panneaux solaires.
Malgré tout, les supporters du made in Europe veulent rester optimistes. "Personne n’est opposé sur le principe à la préférence européenne", fait notamment valoir Stéphane Séjourné.