Pourboires : la réputation des Cantaliens d'être radins est-elle justifiée ?
« Les clients donnent encore ! Ils sont généreux ! » À l’Abside, dans le centre-ville à Aurillac, c’est tout sourire que les patrons expriment leur gratitude. Même engouement à la terrasse de TZK. Trois pots trônent sur le bar : « Pas content », où quelques centimes ironiques se chevauchent, « Content » et « Très content », où se trouvent des billets. Une façon originale d’inviter les consommateurs à laisser une somme d’argent. « La majorité des clients laissent un pourboire repartagé ensuite. Cela s’explique par une équipe qui assure », indique Céline Charbonnel, responsable du restaurant TZK, qui brasse environ 220 couverts quand la terrasse est ouverte. « Le plus gros pourboire que j’aie reçu, c’est 40 € », assure une serveuse d’un restaurant du square Vermenouze.
Thierry Perbet, président de l’Umih du Cantal, organisation patronale du secteur de l’hôtellerie-restauration, distingue, de son côté, les habitudes en semaine et le week-end. « Quand la clientèle vient au restaurant pour se détendre, là, on retrouve une partie du pourboire. Je dis une partie, car leurs montants ont diminué. » En cause, plusieurs problématiques, selon le président de l’Umih. « La première est à mon sens générationnelle. C’est de moins en moins dans la culture. Alors que les touristes étrangers laissent encore de jolis pourboires parce qu’ils y sont habitués, comme en Allemagne ou aux États-Unis. » Vient ensuite l’effet carte bancaire. « Les nouvelles caisses enregistreuses permettent en théorie de défiscaliser un surplus payé par carte, en plus de la note. Dans les faits, on constate que ce n’est pas vraiment ça qui freine, parce que les clients n’en laissent pas pour autant. » Enfin, le pouvoir d’achat remettrait en cause ce réflexe. « Le service est “compris”, les clients estiment donc que ce qu’ils règlent est juste. »
Un geste qui dépend du lieu et du momentAilleurs dans le Cantal, « c’est aléatoire, ça dépend des gens, analyse cette salariée d’un restaurant du secteur de Salers. Les gens donnent encore, en tout cas ici. Ils sont généreux ». Pour elle, le fait de laisser un pourboire « est le marqueur qui valorise le travail d’équipe ». Dans cet établissement, l’équipe se partage la somme. Un choix partagé par Thierry Perbet. « Je considère, comme beaucoup de mes confrères, que c’est leur caisse, leur affaire. En fin de service, ils se les partagent entre eux. Cela prouve que les clients sont contents, ça valorise l’équipe. Enfin, c’est ma vision. » Dans les cafés, le geste serait plus systématique. « En nombre de personnes, c’est là qu’il reste le plus de pourboires, mais ce sont des montants dérisoires. Quand vous payez votre café 1,40 €, vous laissez par exemple 10 centimes. Là où en hôtellerie-restauration certains clients peuvent donner 50 € pour une nuit à quatre. »
Dématérialisation des pourboires. Plusieurs systèmes incitent à la générosité, même si les clients n’ont pas de liquide sur eux. Des milliers d’établissements sont ainsi équipés de terminaux de paiement avec pourboires intégrés. Les clients se voient proposer d’ajouter une somme sur le terminal au moment de régler l’addition. S’ils souhaitent refuser, ils appuient sur la touche rouge. En échange d’une commission variable selon les systèmes, les sommes collectées sont reversées au propriétaire de l’établissement qui les redistribue ensuite. Une fonctionnalité permet même de reverser en temps réel le pourboire aux salariés.
Anna Modolo
Ce que dit la loi Selon l’article L3244-1 du Code du travail, « dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites “pour le service” par l’employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l’employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement ». Les sommes mentionnées à l’article L3244-1 « s’ajoutent au salaire fixe, sauf dans le cas où un salaire minimum a été garanti par l’employeur ». Autrement dit, elles sont soumises à l’impôt sur le revenu, en principe. Mais pour renforcer l’attractivité du secteur CHR (cafés, hôtellerie et restauration), les pourboires sont temporairement exonérés d’impôts et de cotisations sociales, selon un texte adopté dans le cadre de la loi finances 2022. L’article 28 de la loi finances 2024 a prorogé ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2024.