« Area 51 » : comment le duo Wembanyama-Castle s’est construit
Les Spurs vivent un tournant. Avec Victor Wembanyama et Stephon Castle, une nouvelle génération frappe à la porte. Déjà surnommés "Area 51", que l'on traduit par "Zone 51" en référence à cette partie désertique du Nevada qui abriterait la base la plus secrète de l'armée américaine et notamment des extraterrestres et leurs soucoupes, le Français et le jeune meneur montrent que San Antonio peut viser plus haut. Cette saison, le duo affiche une alchimie exceptionnelle et suscite toute l’attention de la ligue.
Castle et Wembanyama ont chacun réalisé un triple-double lors de la défaite contre les Golden State Warriors mercredi soir, devenant ainsi le cinquième duo de l'histoire de la NBA à enregistrer chacun un triple-double de 20 points dans un match, et le premier duo à perdre tout en réalisant cet exploit... « Le plus important, c'est de pouvoir être performant dans les matchs qui comptent », analysait Stephon Castle qui tourne cette saison à 19 points, 6 rebonds et 8 passes de moyenne, soit un boost vraiment significatif par rapport à sa saison rookie.
Quand « Area 51 » marque les esprits
Au lancement de la saison, une action a cristallisé ce que représente aujourd’hui le duo Victor Wembanyama - Stephon Castle. Michael C. Wright est revenu sur cette séquence dans un très bon papier publié sur ESPN. En transition à Dallas, le jeune meneur hurle à plein poumons : « Rim, Vic ! », puis « Rim ! Rim ! Rim ! » en fonçant vers l’avant. Quelques secondes plus tard, il envoie une passe lobée parfaite que le Français transforme en dunk inversé à deux mains. Le geste fait le tour des réseaux et devient déjà une image fondatrice de ce que les Spurs appellent désormais « Area 51 ».
Stephon Castle lui-même sait que cette séquence a marqué un tournant. « J’ai vu ce poster un nombre incalculable de fois, explique-t-il. On en a parlé. Le plus important, c’est d’être capable de reproduire ça dans les matches qui comptent. C’était un tournant dans la rencontre. On avait lancé notre run et c’était un alley-oop de très haut niveau. On était clairement survoltés. »
Un duo né dans la difficulté
L’histoire récente des Spurs rappelle aussi à quel point tout cela aurait pu dérailler. Quand la franchise annonce en février que Wembanyama va manquer le reste de la saison pour une thrombose veineuse à l’épaule droite, le vestiaire prend un coup. « Tu ne souhaiterais pas ça même à ton pire ennemi », lâche De’Aaron Fox.
Pour Castle, qui partageait le All-Star Weekend avec Wembanyama en tant que participant au Slam Dunk Contest, le choc est brutal : « On était ensemble au All-Star Game et je reviens pour jouer à Austin en me disant qu’on va récupérer notre grand, et en fait il est out. C’était bizarre de devoir s’ajuster à ça. » Ce coup d’arrêt nourrit pourtant une prise de conscience : « Voir à quelle vitesse tout peut nous être retiré, ça nous ouvre les yeux sur la chance qu’on a de pouvoir jouer, poursuit Castle. Avoir un été qui compte, c’était le principal sujet de nos discussions. On voulait juste s’assurer qu’il reste en bonne santé, qu’il soit en condition et qu’il continue de travailler sur son jeu, en sachant que l’année suivante, on aurait énormément besoin de lui. »
Un été obsédé par le travail et la connexion
Victor Wembanyama avait annoncé la couleur : « Personne ne s’est entraîné comme moi cet été. » Pendant que le Français enchaîne les déplacements et les séances, Castle bosse de son côté à Los Angeles. Mais les deux trouvent le moyen de passer du temps ensemble à San Antonio, au centre d’entraînement, à disséquer les vidéos et à rejouer possession après possession.
« Depuis ce moment-là jusqu’à aujourd’hui, on continue de regarder énormément de vidéos ensemble avec du pick-and-roll, de la défense parce que, très souvent, nous sommes impliqués tous les deux dans l’action. Le fait de savoir ce qu’il pense, et que lui sache ce que je pense, ça nous aide énormément. »
Quand Wembanyama reçoit enfin le feu vert pour reprendre le terrain, il rejoint Castle en Californie. Patrick Beverley, présent sur ces runs, reste marqué : « Sur ces matches d’entraînement, il était vraiment impressionnant. Il avait l’air tellement en forme, tellement putain de talentueux. Il faisait des trucs de dingue. »
Castle, lui, insiste sur l’impact de ces semaines communes : « Le fait qu’il vienne là-bas et qu’on puisse construire cette connexion tôt dans l’été, bien avant le training camp, avant tout, ça nous a clairement aidés. On a eu énormément de répétitions, énormément de séances vidéo ensemble, ça aide et c’est souvent sous-estimé. On a travaillé là-dessus tout l’été et ça commence juste à prendre forme. »
Nouveau maillot pour les Spurs : Stephon Castle réagit
« Area 51 » : un nom validé par le vestiaire
Quand le surnom « Area 51 » arrive jusqu’aux oreilles de Wembanyama, le Français n’hésite pas une seconde : « J’adore ce nom », sourit-il. Le clin d’œil mêle leurs numéros de maillot et le côté « alien » du jeu de Wemby. Mais vivre à la hauteur de ce label demande plus que du marketing.
Le coach intérimaire Mitch Johnson rappelle à quel point leur trajectoire est encore jeune : « Ils n’ont pas eu beaucoup de temps la saison dernière ensemble sur le terrain pour construire un vrai rythme. L’an dernier, quand ils partageaient le parquet, c’était au début de la saison rookie de Steph, et il essayait juste de survivre, surtout avec la variété de rôles dans lesquels on l’utilisait. Je pense qu’on commence juste à voir ces deux-là gratter la surface de ce qu’ils peuvent devenir. »
Dans le vestiaire, Harrison Barnes décrit une ambiance transformée : « Il y a de très bonnes ondes et énormément de liens qui se sont créés en dehors du terrain cet été. Cette connexion se voit en match. J’ai vraiment l’impression que l’énergie est différente. C’est ce qui me marque le plus, la façon dont les gars communiquent, dont ils sont connectés dans les temps morts et sur le terrain pendant les runs, qu’ils soient positifs ou négatifs. »
Castle vu par Wembanyama, Wembanyama vu par Castle
Aujourd’hui, les deux stars assument pleinement leur statut de leaders des deux côtés du parquet. Castle résume parfaitement leur rôle : « On est tous les deux fiers d’être des joueurs polyvalents. Notre identité, dans cette équipe, c’est la défense, et j’ai l’impression qu’on en est les têtes. Le nombre de pick-and-rolls qu’on défend ensemble, le nombre de fois où on doit lire les déplacements l’un de l’autre, combien je dois l’aider au rebond… toutes ces petites choses de ce côté du parquet rendent tout ça beaucoup plus important pour nous en tant qu’équipe. »
Cette saison, San Antonio affiche un defensive rating de 101,1 lorsque le duo est sur le terrain. Il a surpassé ses adversaires de 14,6 points pour 100 possessions en 264 minutes, ce qui le classe huitième parmi les 74 duos ayant joué plus de 200 minutes, selon ESPN Research.
Wembanyama, lui, insiste sur ce que Castle apporte à « Area 51 » : « Il reste difficile à arrêter pour les défenseurs. Tu ne peux tout simplement pas l’ignorer, parce que si tu lui laisses ne serait-ce qu’un peu d’espace, il va décoller et te dunker dessus. Ses qualités de playmaking, il les a toujours eues. Avec son talent, il fait juste des choses sur lesquelles tu ne peux pas t’entraîner. Il les a, c’est tout. »
Et Castle conclut presque le dossier à lui seul : « La connexion que Vic et moi avons, je suis juste content que les gens commencent à la voir de l’extérieur. Vic, en tant que coéquipier, est vraiment très patient. Il a rendu les choses faciles pour que je m’adapte. Quand je suis arrivé, c’était Wemby. Tout le monde veut jouer avec Wemby. C’était cool de pouvoir partager le parquet avec lui. Maintenant, c’est comme mon frère. On peut parler de tout. »
Avec ce duo qui se définit lui-même, qui se pousse, se protège et s’admire mutuellement, « Area 51 » n’est plus seulement un surnom accrocheur, c’est la promesse très concrète que les Spurs de Victor Wembanyama et Stephon Castle comptent bien remettre San Antonio au centre de la carte NBA.
Wembanyama, une ligne de stats historique après un finish de folie