"Kneecap" : un film retrace le parcours du sulfureux groupe de rap irlandais
D’une extrémité à l’autre de notre continent kaléidoscopique, de ses réalités économique et sociale, culturelle et religieuse, nous arrivent deux films sortant le même jour à Paris, carrefour cinématographique de l’Europe, où me voilà nommé agent de circulation, avec mon sifflet et mon bâton.
Kneecap est un groupe de rap formé en 2017 à Belfast, en Irlande du Nord. Trio très militant devenu l’étendard du mouvement de défense des droits civiques et du gaélique irlandais, langue maternelle des deux jeunes et du moins jeune qui le composent. Des républicains, indépendantistes en conflit permanent, latent ou manifeste, violent ou pas, à la couronne d’Angleterre, à sa religion anglicane, mais surtout à l’impérialisme de sa langue. Ils chantent en gaélique et c’est l’originalité à l’origine de leur succès.
Les rappeurs incarnent leur propre personnage
Rappelons que l’Irlande du Nord, bien que rattachée au Royaume-Uni, compte une forte opposition. Après une décennie de pourparlers de paix, certains groupes paramilitaires, comme les Republican Action Against Drugs (RAAD), ont refusé de rendre les armes et ont poursuivi la guerre, sous diverses formes. Notamment en luttant contre le trafic de drogue. Leur méthode : punir les trafiquants en leur collant une balle dans le genou, acte nommé "kneecap" et qui donne son titre au film de Rich Peppiatt.
Ancien journaliste anglais, devenu stand-uppeur comique, il a fait de son spectacle un documentaire de fiction One Rogue Reporter (un reporter voyou) qui a eu beaucoup de succès, en partie grâce à la présence de Hugh Grant et de Steve Coogan. C’est ce qui lui a permis de s’intéresser à ce groupe de rap et à leurs penchants insurrectionnels. Adoptant le même principe docu-fiction, il a invité Mo Chara, Moglai Bap et DJ Provai, le trio de Kneecap, à reconstituer et raconter leur histoire et celle du groupe à travers ce biopic hautement déjanté. La présence au générique de Michael Fassbender lui ouvrant une fois de plus les sommets du box-office. L’acteur interprète (il est le seul dont on peut dire ça) le père d’un des Kneecap, ancien soldat de l’IRA recherché par la police, figure légendaire de la guerre, en bisbille avec son fils.
Les autres s’incarnent génialement dans leur propre rôle (ça n’est pas si évident que ça), la musique est bonne, les tensions dramatiques assez flippantes, l’énergie, la jeunesse, le courage, la misère humaine, la méchanceté anglaise et la révolution qui finit toujours en eau de boudin : on est servi. Et puis on apprend des choses sur l’Irlande qui ne sont pas celles qu’on voit au 20 Heures.
Une agence de location d’amis
C’est sur une autre planète, mais toujours en Europe, que se joue le destin de Matthias (Albrecht Schuch) dans Peacock (Paon) le premier long métrage, dépaysant et édifiant, de Bernhard Wenger, 33 ans (auteur d’un court-métrage intitulé Excusez-moi, je cherche la salle de ping-pong et ma copine). L’histoire, la voici : Matthias travaille pour une agence de locations d’amis. Ça se fait beaucoup en Autriche, louer des amis. Si vous êtes allé à Vienne ou à Salzbourg une fois dans votre vie vous comprenez sûrement la difficulté qu’ils ont, en Autriche, à se faire un ami.
Ça n’est pas une blague ni une fiction, c’est au Japon que le phénomène est apparu au début de ce siècle, probablement à cause de Facebook : à force d’avoir plein d’amis, les gens ont eu envie de passer à l’acte, de voir à quoi ça ressemblait en vrai, un ami, et comme ça n’existait plus, vu qu’ils étaient tous sur Facebook et qu’on ne peut pas être partout, certains ont eu l’idée de fonder une agence pourvoyeuse d’amis. Matthias devient complètement givré à force de jouer à l’ami parfait, propre sur lui, bonne conversation. Devenu l’ami parfait, sa femme ne le reconnaît plus. Elle se barre. Pour la reconquérir, Matthias fait appel à des collègues de l’agence qui vont devoir interpréter une scène le mettant en valeur. Si le procédé est ignoble, il montre au moins que, même décervelé, Matthias tient beaucoup à elle. Est-elle capable de le comprendre ?