Quand les rois d’Angleterre parlaient français (et normand !)
Commençons cet article par une devinette : savez-vous où a été publiée la première grammaire du français. A Paris ? A Tours ? Vous n’y êtes pas. Elle l’a été à… Londres !
Pour expliquer cette bizarrerie, il faut remonter un peu le cours de l’Histoire. En 1066, Guillaume le Conquérant prend le pouvoir en Angleterre après sa victoire à Hastings. Et quelle langue impose-t-il aussitôt ? Non pas le français, comme on l’entend souvent, mais le normand - ce qui n’a rien de très surprenant pour celui qui était duc de Normandie. Autrement dit, une langue d’oïl proche, mais différente du français. Un exemple ? Un "véhicule à quatre roues tirées par animal" se disait "char" à Paris, mais "car" à Rouen - mot toujours employé outre-Manche en 2025 pour désigner une voiture.
C’est à partir du XIIIe siècle que le français de Paris devient le modèle à suivre à Londres. A mesure que s’affirme la puissance du roi de France, s’insinue sur les bords de la Tamise l’idée que la "bonne langue" est nécessairement celle pratiquée aux alentours de l’île de la Cité.
Ce premier souverain qui parlait français
La situation change toutefois avec la guerre de Cent ans. En 1399, lorsque le roi Henri IV (le leur, pas le nôtre !) accède au trône, il n’a pas le français pour idiome maternel, mais l’anglais. Pour autant, notre langue continue de rester en usage pour l’économie (debt, finance), la justice (judge, prison), la religion (abbey, cathedral)... C’est pourquoi il demeure nécessaire de la maîtriser. D’où, j‘y reviens, la publication du premier manuel à elle consacrée, le Donait françois, rédigé vers 1 400 par un Anglais nommé John Barton.
Ne nous moquons pas trop vite de nos meilleurs ennemis car, de leur côté, les rois de France n’ont pas toujours parlé français. Si l’on suit l’historiographie officielle, en effet, notre premier monarque fut Clovis, qui utilisait une langue germanique, en l’occurrence le francique. Une situation qui vaudra pour la dynastie des Mérovingiens (la sienne) et celle des Carolingiens de Charlemagne. Il faudra attendre Hugues Capet, en 987, pour que s’installe sur le trône un souverain privilégiant notre langue.
Surprising, isn’t it ?