Brigitte Bardot vue par la presse européenne : "Elle était l’image la plus exportable de la France"
"Aucun visage n’avait un effet aussi explosif que le sien à l’écran". Brigitte Bardot, décédée dimanche 28 décembre à l’âge de 91 ans, a incarné jusqu’à sa mort le cinéma français "comme personne d’autre", juge le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine, bien qu’elle ait mis un terme à sa carrière en 1973. Celle qui fut "la femme la plus désirée du monde pendant au moins deux décennies" selon le journal italien Corriere della Sera était aussi "commercialisée sans pitié comme un sex-symbol hédoniste", rappelle la radio britannique BBC.
Au-delà de sa présence à l’écran, l’actrice était surtout connue pour les changements sociétaux qu’elle incarnait, note la presse européenne. Elle était un symbole de liberté et de libération sexuelle de la femme. Pour le quotidien suisse Le Temps, Brigitte Bardot était l’un des derniers témoins de l’âge d’or des années 1960, cette époque qui a vu naître "une poignée de figures nouvelles et libres dans lesquelles la France a aimé se reconnaître", comme Françoise Sagan ou Yves Saint-Laurent. Comme eux, elle n’était qu’enfant lors de l’Occupation et "n’avait pas de faute à expier". Elle représentait une "France neuve". Et si elle est devenue l’icône de cette décennie, c’est parce que la société française vivait alors "une mutation anthropologique dont le corps radioactif de Brigitte Bardot [était] le minerai". La France "catholique et rurale" devient "urbaine et laïque" et celle surnommée "BB" symbolise ce changement. D’ailleurs, "elle se marie et divorce quand ça lui chante", poursuit Le Temps.
La première femme à incarner Marianne
Pour le journal espagnol El Mundo, "elle était tout", à la fois un phénomène culturel, symbole de l’objectification de la femme, et la première grande victime du harcèlement de la presse à scandale. Idéal féminin du cinéma vulgaire, elle était aussi "sa réplique élégante et révolutionnaire".
Brigitte Bardot a tourné avec les plus grandes figures du cinéma français des années 1960 et 1970, tels que Jean Gabin ou Jean-Luc Godard, et incarnait ainsi le septième art tricolore - mais plus largement, tout un pays. "Elle fut l’image la plus exportable de la France pendant cinq décennies", poursuit El Mundo. Ses initiales, BB, devinrent une marque française. C’est donc en toute logique qu’elle fut la première personnalité à incarner Marianne, en 1968.
Des déclarations "illégales et impardonnables"
Après avoir mis un terme à sa carrière d’actrice, Brigitte Bardot s’est consacrée à la défense de la cause animale, avec comme symbole son combat pour les bébés phoques. Elle réussit même à obtenir le soutien du président Giscard d'Estaing pour interdire l’importation de produits issus de la chasse aux phoques en France, note l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. Si son engagement est d’abord respecté, elle devient rapidement la "folle aux chats". Son domicile, à Paris, est un "petit zoo" dans lequel se bousculent entre autres chats, chèvres et canards, rapporte le magazine.
Cet engagement - et donc son humanisme - s’est ensuite mué en prétexte pour des déclarations réactionnaires sur la supposée islamisation du pays, note El Mundo. Elle a en effet multiplié les attaques contre les migrants, les homosexuels et l’islam à partir de 1992, lorsqu’elle a épousé celui qui restera son mari jusqu’à la fin de sa vie, l’ami et conseiller de Jean-Marie Le Pen, Bernard d’Ormale, se souvient Der Spiegel. Cela lui a valu plusieurs condamnations pour haine raciale. Ses critiques de l’abattage rituel juif et musulman étaient "illégales et impardonnables", juge ainsi la BBC. "Pour clore de manière trouble une vie déjà tourmentée, les opinions politiques de Brigitte Bardot l’ont amenée à passer ses dernières années semi-recluse, luttant devant les tribunaux contre des accusations de haine raciale", conclut la radio britannique. Ces faits d’armes ont finalement laissé une cicatrice durable et entaché l’image d’une icône du cinéma, estiment plusieurs médias européens.