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Thomas Clozel (Owkin) : "L'industrie pharmaceutique telle qu'elle est aujourd'hui n'a pas beaucoup d'avenir..."

Tignasse grise, jeans et baskets, sans oublier un sens inné de la formule... Hématologue de formation, codeur par passion, Thomas Clozel a endossé sans difficulté, et avec succès, depuis presque dix ans le costume du parfait start-upper. Owkin, la société d'intelligence artificielle appliquée à la santé qu'il a cofondée avec un polytechnicien, Gilles Wainrib, a multiplié les partenariats avec les plus grands hôpitaux et laboratoires pharmaceutiques. Avec une première molécule en essai clinique depuis cette année, l'heure de vérité sur la pertinence de sa plateforme d'IA approche. Entretien.

L’Express : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste l’activité d’Owkin ?

Thomas Clozel : Notre objectif, c’est d’utiliser l’intelligence artificielle pour découvrir de nouveaux médicaments pour des maladies que l’on n’arrive pas à traiter aujourd’hui. La biologie est le meilleur terrain de jeu pour l’IA, car le fonctionnement de nos organismes est juste beaucoup trop compliqué à appréhender pour nos cerveaux humains. Il faut intégrer des milliers de paramètres qui interagissent entre eux – gènes, cellules, ARN, tissus, protéines... On n’y comprend rien ! On ne connaît toujours pas les causes des cancers, des allergies, ou encore de la maladie d’Alzheimer. Les progrès réalisés ces dernières décennies restent malgré tout limités.

Contre les tumeurs du cerveau, on en est à peu près au même stade qu’il y a vingt ans. De nouvelles formes de cancers apparaissent, comme le cholangiocarcinome qui touche les voies biliaires : c’était une maladie ultra-rare voilà encore quelques décennies, mais son incidence augmente sans qu’on n’arrive ni à en expliquer les raisons, ni à la traiter. On voit aussi à présent des cancers du pancréas chez des jeunes de 40 ans. Nous pensons qu’en améliorant notre connaissance de la biologie grâce à nos outils d’IA, nous allons pouvoir apporter des réponses à toutes les pathologies complexes, où les options thérapeutiques restent encore limitées.

Vous vous êtes lancé en 2016, bien avant l’arrivée des LLM, les grands modèles de langage popularisés par OpenAI avec ChatGPT. Qu'ont changé ces nouveaux systèmes pour vous ?

Nous avons commencé par développer des outils d’IA pour décrire la biologie à partir d’un grand nombre de données très variées, à des échelles différentes (images, protéines, gènes...) et en les connectant entre elles. Nous avons énormément travaillé sur l’analyse des images de biopsies, par exemple. Pour un seul patient, nous arrivons à en tirer 420 marqueurs différents. Mais ces informations n’étaient pas vraiment intégrées. Les LLM ont permis de mettre un chef d’orchestre au milieu de tous ces outils. Avant, nos modèles apprenaient et s’amélioraient, mais ils ne permettaient pas de générer de nouvelles idées, ils n’étaient pas "intelligents". C’est comme si nous avions les muscles, mais pas de cerveau. Tout était copiloté par l’homme.

Les LLM sont ce cerveau qui peut, à partir de l’analyse de toutes nos données, formuler de façon automatique de nouvelles hypothèses de recherche. Ils nous aident à penser autrement : on voit bien que si nous avions été capables de poser les bonnes questions, nous aurions déjà réussi à vaincre le cancer, par exemple. Ce n’est pas le cas. C’est pourquoi nous espérons que ces outils nous permettrons de faire mieux, et de façon automatique. D’un copilotage homme – IA, nous nous dirigeons vers des "AI scientist" et des "AI doctors" capables d’être des agents super intelligents et automatiques dans leurs tâches.

Vous avez démarré avec la cancérologie. Vous intéressez-vous à d’autres domaines ?

Bien sûr. Nous travaillons beaucoup en cardiologie et sur les maladies auto immunes. Récemment, nous nous sommes par exemple attaqués à deux pathologies cardiaques rares, pour essayer de comprendre pourquoi les patients atteints n’évoluent pas de la même façon. Nous nous intéressons aussi à la maladie d’Alzheimer dont tout reste à découvrir, avec pour l’instant des avancées thérapeutiques bien modestes.

Vos travaux ont-ils déjà permis d’obtenir des résultats concrets utiles pour les malades ?

Nous avons développé des outils algorithmiques de diagnostic. Un de nos tests permet par exemple de dépister une caractéristique biologique clé pour savoir si l’immunothérapie peut être utile pour un malade, en cas de cancers du côlon. Nous sommes aussi en attente de l’approbation par les autorités sanitaires d’un outil capable de prédire à un stade précoce si une patiente atteinte d’un cancer du sein triple négatif, le plus grave, va rechuter après son traitement initial. L’enjeu est autant d’adapter la prise en charge pour proposer d’emblée des thérapies complémentaires pour justement empêcher la rechute, que de savoir si on peut se passer de chimiothérapie supplémentaire si les malades paraissent à risque faible de rechute.

Un test génétique concurrent existe, mais il nécessite d’extraire la tumeur, de séquencer les gènes, il coûte 4 000 euros par patiente et il faut presque un mois pour obtenir la réponse. Notre outil repose sur l’analyse des images d’anatomopathologie [NDLR : qui étudient les tissus après biopsie], il est bien moins cher et les résultats arrivent en une minute. D’autres produits de diagnostic sont en développement avec des partenaires industriels : il s’agit pour l’essentiel de tests compagnons, destinés à sélectionner les patients chez lesquels un traitement est susceptible d’apporter un bénéfice parmi ceux atteints d’une maladie donnée.

Et concernant les médicaments, où en êtes-vous ?

Rien n’est encore arrivé sur le marché, mais c’est normal : le développement de nouveaux traitements prend du temps, même si l’IA doit permettre d’accélérer tout le processus et de réduire le taux d’échec. Nous avons néanmoins lancé cette année notre premier essai clinique, dans le cancer. La molécule est une forme de "super anti-inflammatoire" qui complémente l’immunothérapie, et vise à rendre le système immunitaire plus efficace quand il s’attaque aux tumeurs. Nous avons quatre autres produits en développement, avec notamment des ADC, cette nouvelle génération de médicament anticancer qui mixe un anticorps pour cibler les cellules tumorales, et une molécule de chimiothérapie pour les détruire.

A chaque fois, notre IA trouve des cibles intéressantes, puis nous essayons de comprendre si elles peuvent être atteintes d’une façon ou d’une autre par un médicament. Nous ne faisons pas la partie chimie nous-mêmes, c’est trop long et trop coûteux : notre stratégie consiste à trouver des molécules existantes qui ciblent le nouveau fonctionnement biologique mis au jour grâce à notre outil d’intelligence artificielle. Ensuite, en revanche, nous faisons les essais cliniques nous-mêmes, dans des populations et indications découvertes par notre IA.

Pour nous, l’essentiel est de démontrer, grâce à ces produits, que notre plateforme d’intelligence artificielle est pertinente, et qu’elle permet de résoudre des problèmes auxquels l’industrie pharmaceutique traditionnelle n’arrive pas à répondre. Nous aurons des éléments de réponse d’ici six mois, après la fin de ce premier essai de phase 1. La véritable validation de l’IA dans la santé arrivera quand elle nous permettra de guérir des maladies.

Qui sont vos concurrents : les laboratoires pharmaceutiques, ou les grands acteurs de l’intelligence artificielle ?

L’industrie pharmaceutique telle qu’elle existe aujourd’hui n’a, à mon avis, pas beaucoup d’avenir. La plupart des big pharmas et leurs centaines de milliers d’employés ne découvrent rien ou presque : ils achètent des petites sociétés innovantes et commercialisent leurs produits. Grâce à l’IA, des sociétés comme la nôtre ont vocation à les remplacer, mais de façon plus efficace, et avec beaucoup moins de salariés. A ce stade, je ne compte que trois exceptions : Sanofi et AstraZeneca qui poussent beaucoup pour "agentiser" leur recherche [NDLR : l’automatiser à l’aide d’outils d’IA], et Amgen qui a débauché des spécialistes de la tech de Google pour créer son propre LLM à usage interne.

Ce qui est intéressant en revanche, c’est que des sociétés comme OpenAI (ChatGPT) ou Anthropic (Claude) et d’autres se lancent dans le médicament. Ce sont eux nos vrais compétiteurs. Mais là où OpenAI a gagné la partie dans les LLM grand public, et Anthropic dans la partie "B to B", il n’y a pas encore de vainqueur clair dans le champ de la biologie - même si Anthropic devrait faire bientôt des annonces importantes dans ce domaine.

Quels sont vos avantages sur ces acteurs ?

Nous n’avons pas attendu que les versions grand public des LLM arrivent sur le marché pour nous lancer – nous travaillions depuis déjà assez longtemps avec un "transformer" [NDLR : l’architecture d’intelligence artificielle que l’on trouve derrière les LLM] disponible en open source, que nous avons adapté à nos besoins. Mais notre grande différence avec OpenAI et Anthropic, pour ne citer qu’eux, c’est qu’ils entraînent leurs IA sur les données du web, et pas sur des données médicales. Nous, nous travaillons depuis près de dix ans à acquérir des données de patients, dont nous pouvons disposer en temps réel. Nous avons passé des partenariats avec de nombreux hôpitaux à travers le monde. Cela nous permet d’entraîner nos outils sur des données biologiques de "vraie vie" : nous avons accès à des centaines de pétabytes de data, qui portent sur des centaines de milliers de patients. Pour chaque patient, nous disposons d’une grande profondeur de données, jusqu'à la résolution en cellule unique.

Nous avons aussi entraîné notre modèle pour qu’il adopte un raisonnement plus proche de celui d’un scientifique, et notamment pour qu’il puisse expliquer comment il arrive à tel ou tel résultat, ou encore qu’il sache dire quand il ne sait pas. ChatGPT a toujours la réponse, il ne sait pas qu’il ne sait pas, ce qui est un problème en science. Enfin, nous nous sommes dotés d’un laboratoire pour valider de façon expérimentale nos découvertes, mais aussi produire de nouvelles données, sur des modèles animaux et des organoïdes. A terme, nous espérons d’ailleurs l’automatiser, en le faisant fonctionner par des "agents IA" [NDLR : des programmes capables d’exécuter des tâches de manière autonome pour le compte d’un utilisateur] et des bras robotisés.

Automatisez-vous déjà beaucoup de fonctions ? Est-ce la raison pour laquelle vous avez annoncé des réductions d’effectifs en France, avec une trentaine de départs volontaires sur un effectif de plus de 350 salariés ?

Nous avons voulu faire évoluer un peu les profils présents dans notre entreprise. Avec le développement des LLM, nous avons forcément été amenés à améliorer, sur certains postes, une partie de la fonction de nos salariés avec des agents IA, voire à en remplacer certains. Cela concerne la génération d’hypothèses, l’analyse de la littérature scientifique, les procédures de sécurisation de nos achats de molécules, la veille, le nettoyage des données... Demain, nous aurons peut-être même un agent IA pour la fonction de PDG, qui sait !

Le siège social d’Owkin est installé aux Etats-Unis. Pourquoi ce choix ?

Je me suis lancé avant l’élection d’Emmanuel Macron. A l’époque il était encore plus difficile qu’aujourd’hui de trouver des financements pour ce genre de projet. C’était une ère où il fallait absolument se trouver aux Etats-Unis pour réussir à lever de l’argent. En France, à l’exception de la famille Bettencourt, les grandes fortunes n’investissent pas dans la santé mais dans l’art. C’est important aussi bien sûr, mais on peut quand même regretter leur désintérêt pour des secteurs aussi stratégiques que la recherche et la médecine.

Bill Gates a changé la vie de millions de personnes, les autres milliardaires américains de la tech dépensent des milliards de dollars dans des recherches sur la santé et la longévité au sens très large. De ce côté de l’Atlantique, le soutien politique reste faible aussi – le président comprend bien les enjeux, mais je n’ai jamais souhaité avoir de discussion avec ses ministres de la Santé par exemple. Ils changent tellement souvent que je ne connais même pas leur nom...

Pourquoi avoir gardé une partie de votre activité en France, dans ces conditions ?

Je suis Français et la France a payé mes études... Nous avons aussi dans notre pays et plus largement sur le continent de nombreux talents dans le domaine médical et en IA. Et surtout, en Europe, les responsables des grandes institutions médicales se parlent, il est possible de créer des réseaux, de bâtir des choses avec eux. Aux Etats-Unis, c’est très compliqué, la concurrence est telle que beaucoup se haïssent. Je ne sais pas si nous aurions pu signer un partenariat comme celui que nous venons de mettre en place avec le centre de lutte contre le cancer français Gustave Roussy, et l’hôpital de la Charité à Berlin.

Ensemble, nous allons créer un système pour comprendre, trier et analyser automatiquement des données de santé complexes, provenant de différents pays européens, pour les transformer en informations utiles pour la recherche médicale. Puis nous développerons des LLM adaptés à ces centres, qui pourront eux aussi évoluer vers la "super intelligence" et améliorer recherche et soin.

Quels sont les enjeux pour que les outils d’IA deviennent encore plus efficaces à l’avenir dans le champ de la biologie ?

Les données restent un sujet, parce que les datas sont l’essence de l’IA. Pour créer un modèle de fondation [NDLR : une IA généraliste qui peut ensuite être adaptée à des besoins particuliers], il faut des millions de données. C’est vraiment cela qui va permettre de faire la différence. Trouver un million de patients avec des données d’imagerie médicale ou avec des données génétiques, cela se fait. Trouver des dataset avec des analyses de protéines pour un million de patients, c’est quasiment impossible. Et par ailleurs, il peut être nécessaire de coder ces informations, pour les transformer en matière exploitable. Il faut aussi les lier entre elles. Tout cela demande des capacités gigantesques en termes de serveurs, par exemple. C’est un autre défi, car cela représente des moyens financiers importants. Il faudrait aussi trouver une façon de réduire le coût des essais cliniques. Aujourd’hui les hôpitaux touchent de l’argent pour chaque patient inclus. Mais ce secteur aussi pourrait être bouleversé par de nouveaux entrants : aux Etats-Unis, Jim McKelvey, le cofondateur de Square, a décidé de s’attaquer à ce sujet, et de contourner le monopole des centres hospitaliers... S’il y parvient, ce serait un autre effet positif de tous ces bouleversements qui touchent aujourd’hui le domaine de la santé. L’IA est essentielle, mais elle doit s’accompagner des meilleurs process et d’un changement de paradigme global de la santé.

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