Laure Calamy, à l'affiche du film Les Cyclades : "J'aime les gens profondément"
Dans Les Cyclades, la comédienne rayonne par son dynamisme allié à une joie de vivre communicative. Rien de telle que Laure Calamy pour retrouver l'élan de ses 15 ans et affronter les épreuves !
Avec Les Cyclades, de Marc Fitoussi, vous campez la pétillante et insouciante Magalie qui, après de longues années de silence, retrouve sa meilleure pote de lycée, Blandine, et lui offre une virée en Grèce. Vous arrive-t-il d'avoir des envies d'ailleurs ?Totalement. J'étais adolescente quand je suis partie loin pour la première fois. Confrontée à des affres assez fortes et profondes, je n'allais pas très bien, et je suis allée avec mon amie d'enfance à La Martinique. Son père travaillait dans une caserne de gendarmerie. Il nous a très près peu sorti dans l'île. Cela ne m'a pas empêché de faire des rencontres et, surtout, j'ai pu me réinventer, car je ne connaissais personne. Cette expérience a été très salvatrice. C'est là que j'ai pris goût à partir loin.
Vous avez aussi "voyagé" de la région Centre à Paris...À 18 ans, j'ai quitté ma région d'Orléans pour monter à Paris dans le cadre de ma carrière. Je rêvais de ça, aller à l'aventure, rencontre d'autres gens.
Olivia Côte et Laure Calamy forment un duo aux caractères opposés, mais si complice.Photo Jérome Prebois
"Garder sa légèreté, sa fantaisie, c'est sans doute l'une des choses les plus difficiles"Ce voyage que vous réalisez dans Les Cyclades est un prétexte à des retrouvailles entre deux ex-ados (vous-mêmes et Olivia Côte) aux caractères opposés et aux vies si différentes. Presque un choc de cultures !En tout cas, ces deux femmes se complétaient lorsqu'elles étaient adolescentes, trouvant un équilibre dans leur amitié. Puis, elles se sont perdues de vue et quand elles se retrouvent, elles n'ont plus rien à voir l'une avec l'autre. Il me semble que l'une des grandes épreuves de l'être humain est le vieillissement, plutôt le bien vieillir ! Cela peut être tellement difficile en raison des épreuves de la vie. Parfois, avec ce qu'il se prend dans la figure, l'être humain peut en ressentir de l'aigreur, de la rancœur, du découragement, …. "Comme la vie, c'est détergent, et comme ça nettoie les gens...", comme le dit Souchon.* Garder sa légèreté, sa fantaisie, c'est sans doute l'une des choses les plus difficiles. Dans le film, Blandine ne voit que le verre à moitié vide, et moi, l'inverse. Ce qui n'empêche pas mon personnage d'avoir traversé des épreuves comme tout le monde. Magalie conserve un certain panache.
Magalie dégage une éternelle légèreté malgré les épreuves. Y a-t-il un peu de vous dans ce trait de caractère ?J'aime la vie, j'aime les gens profondément. L'énergie de Magalie est proche de la mienne. Avec Marc, que je retrouvais après la série 10%,-une rencontre importante pour moi-, j'ai pu suggérer et ajouter des choses à certains dialogues. J'ai une partition plus libre, "plus spectaculaire" que ma camarade Olivia Côte, qui joue un personnage enfermé dans un corset. Tous les deux, on s'est beaucoup amusé avec ces deux rôles si contrastés dans ce "boat movie".
Quelle lycéenne étiez-vous ? Écoutiez-vous Le grand bleu en boucle, comme votre personnage ?Au lycée de La Source, près d'Orléans, j'avais un peu le même état d'esprit que Magalie. Comme de nombreux ados, j'ai été assez marquée par Le grand bleu et par cette histoire de recherche du père au fond des abysses. Une sorte d'Hamlet aquatique. Et puis, il faut bien avouer, avec ma meilleure amie, on fantasmait à fond sur Jean-Marc Barr, le héros du Grand bleu.
Les Cyclades offrent de jolis portraits de femmes. Peut-on parler de film #Meetoo ?C'est d'abord un film fitoussien. Car le réalisateur, Marc Fitoussi, tourne depuis toujours avec des héroïnes. Les Cyclades font plutôt écho à des duos de cinéma qui finissent par se retrouver malgré leurs différences, comme Depardieu et Pierre Richard dans La chèvre. Ces duos "extrêmes" sont plus rares avec des femmes.
Une scène révèle que Magalie a été victime de violences, mais elle préfère ne pas s'apitoyer. La danse et le disco sont sa thérapie.C'est une façon de danser pour oublier. Danser sur un volcan, en fait. Et la meilleure façon d'éviter de se brûler, c'est de laisser le moins longtemps possible le pied sur la lave...
Les péripéties de Magalie et Blandine réservent des moments de pure comédie. C'est un genre qui est, chez vous, comme une deuxième peau.J'apprécie la comédie quand il y a la possibilité d'être drôle tout en évoquant des choses sous-jacentes, une partition invisible. C'est aussi jouissif d'aller dans le pathétique, le grotesque. Le clown permet d'aller au-delà des sexes. Dans ce personnage, il y a de la drôlerie, mais aussi une certaine violence. Et cela me passionne !Olivia Côte, Laure Calamy et au centre Kristin Scott Thomas : trois drôles de dames, trois itinéraires de femmes qui font des étincelles. Photo Chloé Kritharas
"Un cocktail d'imaginaires"Annie Colère, où vous campez une militante pour l'avortement, est toujours à l'affiche et on a encore en mémoire votre rôle de femme de ménage infatigable dans A pleins-temps. Vous aimez jouer les femmes de caractère ?C'est jouissif, mais j'aime aussi jouer l'inverse. Ce qui compte, c'est la rencontre avec les réalisatrices et les réalisateurs. Ils écrivent une partition et j'y ajoute la mienne. Cela donne un cocktail d'imaginaires. Sans compter ce que l'on invente sur le tournage qui sera la grande aventure.Vous cumulez les succès critiques, riches de nombreux prix**, mais aussi publics. Comment vivez-vous cette notoriété ?D'un côté, c'est extrêmement gratifiant d'avoir une telle reconnaissance. Parfois, vous n'avez pas le moral et soudain, dans la rue, quelqu'un vous sourit et vous dit : "Je vous adore ". Vous avez l'impression d'être dans une comédie musicale. D'un autre côté, on peut projeter parfois sur vous des choses qui ne vous correspondent pas. Quoi qu'il en soit, j'aime ma vie telle qu'elle est, je ne changerai rien. J'ai une chance folle !
Revenez-vous souvent en région Centre, là où vous avez connu vos premiers succès, à Orléans notamment ?Bien sûr, j'y retourne régulièrement, mes proches y résident toujours. Je participe toujours, au cinéma Les carmes, à Orléans, aux avant-premières de mes films.
*La vie ne vaut rien.
**Molières 2018 : Meilleure comédienne dans un spectacle de théâtre privé pour Le Jeu de l'amour et du hasard; César 2021 : Meilleure actrice pour Antoinette dans les Cévennes; Mostra de Venise 2021 : Prix de la meilleure actrice pour À plein temps, etc.
Propos recueillis par Olivier Bohin
Les Cyclades, de Marc Fitoussi. 1 h 50. Avec Laure Calamy, Olivia Côte, Kristin Scott Thomas.