Des retraités au teint hâlé, lunettes de soleil Dior sur le nez, se pressent à la buvette pour remplir leur verre de vin, poliment servi par des anciens de Génération identitaire. Pendant quatre jours, Reconquête (le parti d’Eric Zemmour) a reconstitué son village idéal à Gréoux-les-Bains, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Une ambiance à mi-chemin entre une soirée du Medef et un week-end d’intégration d’école de commerce.

Même heure, même endroit pour cette deuxième édition des universités d’été. 3 000 participants revendiqués, bien moins que les 7 000 de l’an dernier. Au programme : des conférences dispensées par les cadres du parti et les réseaux amis. Les thématiques : immigration, wokisme, Europe et civilisation.

Léger ajustement par rapport à la première édition : les stands présents pour l’événement ont subi un petit nettoyage : disparu l’Institut Iliade, laboratoire identitaire refusant le "grand remplacement" et désireux de "perpétuer la mémoire européenne", plus de trace non plus d’Éléments, la revue star de la Nouvelle droite d’Alain de Benoist. Ces derniers ont laissé place aux représentants de la Cocarde, syndicat étudiant d’extrême droite, et de l’IFP, l’école de l’union des droites d’Alexandre Pesey. Autour gravitent quelques militants identitaires membres de Defend Marseille, chemises à fleurs et drapeau de la cité phocéenne sur les épaules. Ils s’étaient notamment fait remarquer avec le déploiement d’une banderole "Qu’ils retournent en Afrique !" sur le toit d’un immeuble marseillais.

Libéralisme, conservatisme et xénophobie

Il fait très chaud. Sur l’estrade qui accueille les invités, on scrute le parterre de militants, dont la moyenne d’âge surpasse de très loin les 35 degrés. Annonce nécessaire pour éviter tout accident : "Pensez à bien vous hydrater." Il est midi, les supporters affamés se pressent autour des food-trucks pour déguster des souris d’agneau ou des croque-monsieur à la truffe. Barquettes à la main, on discute des prochaines perspectives : les élections européennes. Les plus enthousiastes y croient : Marion Maréchal vient de l’annoncer, elle portera leurs couleurs au mois de juin. On sent les cadres redynamisés. Le discours de campagne a déjà été rodé : il se concentrera (surprise !) sur le "rassemblement des droites". Il ne s’agit pas vraiment d’union. "L’idée c’est de dire, les appareils ne la veulent pas mais les électeurs si", précise Nicolas Bay, vice-président du parti. Un triptyque thématique servira de base idéologique : d’abord "l’immigration de masse, l’islamisation, la dénatalité", ensuite "la liberté d’entreprendre, la baisse des charges et des contraintes", enfin une ligne "anti woke, anti activistes LGBT". En résumé : une grosse dose de libéralisme, beaucoup de conservatisme sans jamais, bien sûr, se départir de la xénophobie.

Les militants partagent le fond. "Je suis contre l’étranger s’il compromet la prolifération de ma progéniture, déclare l’un d’eux, la trentaine. Je sais que la vague d’invasion musulmane compromet le projet français de ceux qui sont morts à Verdun, celui du rayonnement de la France." Le message, pour cette campagne qui durera neuf mois : "Si vous refusez la disparition de l’Europe, rejoignez-nous." L’argument : "Un arc conservateur et patriote est en train de se construire, avec la Pologne, la Hongrie, l’Italie, et Reconquête, en France, est l’interlocuteur privilégié." Les membres du parti entretiennent l’espoir, en cas d’élection, de rejoindre le groupe ECR. Et qu’importe le nombre d’élus. "Mieux vaut 10 eurodéputés Reconquête efficaces plutôt que 30 eurodéputés RN inutiles", lâche un vice-président.

Reconquête, chapitre deux

Eric Zemmour, lui, plutôt que d’Europe, préfère d’abord parler d’Afrique. De la nécessité d’en finir avec la Françafrique précisément. Introduction : "La décolonisation n’a été qu’un marché de dupes : amputée de son empire, la France n’a pas pour autant cessé de maintenir sous perfusion une kyrielle de jeunes Etats rancuniers, incapables de subvenir à leurs propres besoins." Développement : "Fini, la tolérance pour tous ces pays qui nous envoient leurs chômeurs, leurs délinquants et leurs mineurs isolés, mais ne récupèrent jamais leurs clandestins." Conclusion : "La décolonisation c’est pour tout le monde, nous renonçons à la Françafrique. Refusons la France africaine." Standing ovation.

Cible oblige, le candidat défait à la présidentielle enchaîne ensuite sur un discours "économiquement de droite". En résumé : "Vous voulez que l’État protège votre argent au lieu de protéger les immigrés avec votre argent ! Nous voulons un continent sans lutte des classes, sans lutte des races, sans guerre de religion ni guerre civile, et nous allons tout faire pour l’obtenir." Voici pour la Reconquête, chapitre deux. C’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe. Place, maintenant, à Marion Maréchal, à qui il reste quelques minutes.

Un temps suffisant pour lancer, encore, un appel à la droite, à tous ceux qui "comme François-Xavier Bellamy [NDLR : qu’elle devrait affronter dans les urnes au mois de juin] devraient être à nos côtés, pour défendre les convictions auxquelles vous avez toujours cru". La candidate s’en prend ensuite à ces mêmes Républicains, qu’elle accuse d’avoir trahi leurs idéaux, au sein du groupe PPE au Parlement européen. Elle, élue députée européenne, se concentrerait sur la "protection de la civilisation européenne commune". En clair : "Nous, la terre romanisée, christianisée et soumise à l’esprit de discipline des Grecs, nous ne sommes pas une terre d’islam, de charia et de terrorisme." Le public, ravit, soulève ses chapeaux de paille et entonne une timide Marseillaise avant de se diriger vers les voitures. Encore un bon week-end passé dans le Sud.