Le Centre national du costume et de la scène de Moulins, dans l'Allier, n’expose pas seulement les plus belles tenues du Lido, du Paradis Latin ou de Chez Michou. Il salue aussi la créativité des artistes qui dynamitent les "nouveaux" cabarets interdisciplinaires. Wilkommen !
L’entrée dans l’exposition Cabarets !, qui se déroule jusqu'au 30 avril au Centre national du costume et de la scène (CNCS), à Moulins (Allier) s’effectue par une porte dérobée, histoire de suggérer aux visiteurs qu’ils pénètrent dans un univers clandestin. Suspendue dans les airs au-dessus d’un escalier en pierre, une étrange forme pailletée attire les regards… Avec ces cache-tétons XXL, le scénographe François Gauthier-Lafaye annonce la couleur et résume, en un symbole, tout l’esprit du cabaret : "Il incarne la fête, la tolérance, le non-genre, un espace de totale liberté dans une société où l’individu n’est pas toujours accepté pour ce qu’il est." Les esprits facétieux trouveront assez savoureux de voir cette liberté prendre d’assaut un bâtiment militaire, puisque c’est dans une ancienne caserne du XVIIIe siècle que le CNCS a élu domicile, en 2006, sur les bords de l’Allier.
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Voué, à l’origine, à conserver et à valoriser les costumes de l’Opéra de Paris, de la Comédie-Française et de la Bibliothèque nationale, le musée a peu à peu élargi son registre à tout le spectacle vivant. Enrichies il y a trois ans par une donation de Line Renaud, ses collections, qui comptent plus de 10.000 costumes et le triple d’accessoires, devraient encore s’étoffer grâce à Jean-Luc Choplin, le président de son conseil d’administration et nouveau directeur du Lido, qui a promis d’y verser certains des plus beaux atours de l’ancien temple de la revue. En célébrant les frous-frous du cabaret avec les mêmes égards que ceux des opéras Garnier et Bastille ou du Théâtre-Français, le CNCS souligne à quel point ces costumes contribuent à la magie des shows, à l’incarnation de leurs créatures sensuelles ou fantasques, au grain de folie de leurs personnages délicieusement allumés ou délurés.
Moulin Rouge, Lido, Crazy Horse… et Chez Michou
Mais nous voilà entraînés entre les murs du "foyer". Autour d’un canapé rond surplombé d’une boule à facettes, la première salle du parcours rappelle la convivialité du cabaret. En son sein, pas de barrière ; on apostrophe le spectateur, on le taquine, on cultive la porosité entre la scène et la salle. La silhouette familière de Michou est là, flûte de champagne à la main, comme à l’époque où l’homme en bleu accueillait lui-même chaque client de son repaire montmartrois. À ses côtés, d’autres figures renaissent grâce au pouvoir suggestif de leurs seules toilettes : Jean-Marie Rivière, le prince du Paradis latin, s’incarne dans son fameux costume blanc, tandis que la veste queue-de-pie portée par Dalida au Palais des Sports en 1980 vole la vedette à la blouse chasuble qui habillait Barbara au Théâtre du Châtelet en 1993. De là, l’évocation d’une loge nous propulse dans un foisonnement d’accessoires, des plus luxueux aux plus foutraques. Casque à pointe couvert de plumes, coiffes "gourmandises" confectionnées à partir de tapis de yoga ont sollicité, en coulisses, les artisans les plus renommés ou un art consommé de la débrouille. Passé cette mise en condition s’ouvre un voyage patrimonial. Moulin Rouge, Lido, Crazy Horse, etc., chaque institution a droit à sa vitrine. Quant au petit conservatoire du transformisme Chez Michou, il assure la transition entre les maisons historiques et un cabaret plus intimiste qui préfigure les scènes actuelles. ...