Meurtre de Riom : le quadragénaire a-t-il été victime de tentatives d'empoisonnement avant d'être violemment assassiné ?
Le 29 juillet 2022, Stéphane Ragon est découvert mort dans une villa cossue de Riom. Si les meubles sont sens dessus dessous, l’hypothèse d’un cambriolage qui aurait mal tourné ne tient pas dans l’esprit des enquêteurs. Le crâne de ce commercial de 47 ans, qui présente plus d’une vingtaine de plaies, est fracassé, tandis que le corps gît dans une mare de sang. La scène est d’une violence inouïe.Deux mois après cette macabre découverte, l’enquête menée par la police judiciaire de Clermont-Ferrand mène à l’interpellation de Sophie F., 41 ans aujourd’hui, ex-compagne de la victime. Elle est mise en examen pour assassinat dans la foulée. Tout comme sa fille, alors âgée de 15 ans, et son amant, désormais âgé de 43 ans.
"Il raconte des histoires !"Depuis le début de l’affaire, ce dernier a livré plusieurs versions. Didier C. aurait d’abord avoué avoir commis le meurtre avec l’aide d’un complice. Avant de revenir sur ses déclarations, prétendant avoir tué Stéphane Ragon avec sa maîtresse dans le cadre d’une expédition punitive. Lui, avait-il dit, aurait utilisé un démonte-pneu tandis qu’elle était munie d’un démonte-écrou. Il s’agissait de surprendre le Riomois dans son sommeil "pour lui montrer de quoi on était capable", alors, avait-il également soutenu, qu’il ne parvenait à accepter la séparation d’avec Sophie F.Cette dernière, décrite par une expertise psychiatrique comme "un diable qui s’habille en Prada", a toujours nié être impliquée dans le meurtre de son ancien compagnon. Y compris lors d’une confrontation organisée en janvier dernier.À cette occasion, Didier C. aurait de nouveau changé de version. Cette fois, il aurait affirmé avoir tenté d’empoisonner Stéphane Ragon, avec la complicité de Sophie F., bien avant la funeste soirée de juillet 2022.De quoi provoquer les foudres de Me Gilles-Jean Portejoie, conseil de celle-ci. "Qu’est-ce qu’on a contre elle ? Didier C. est le principal accusateur. Combien de fois a-t-il changé de version ? Lors de la confrontation, il vient nous dire qu’ils l’ont tué dans des conditions abominables et que l’année précédente ils avaient tenté de l’empoisonner à de multiples reprises. C’est absolument fou et absolument faux. Il raconte des histoires !"
"Je n’avais aucune raison, aucun mobile"Cette thèse a pourtant trouvé un écho certain auprès de la partie civile : "Sa famille m’a expliqué qu’il y a eu une période pendant laquelle Stéphane Ragon avait été malade, victime de vomissements à répétition", retrace Me Sandrine Legay.Ce mardi 5 mars, devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel, le bâtonnier Portejoie a formulé une demande de mise en liberté pour sa cliente. "Cela fait dix-sept mois qu’elle est incarcérée. On nous a annoncé, lors de la confrontation, que la reconstitution n’aura lieu qu’en septembre ou octobre en raison des Jeux olympiques et que donc le procès ne pourra se tenir que fin 2025 ou début 2026. Vous n’allez pas la garder en détention provisoire pendant quatre ans ? Il faut que cette femme puisse préparer sa défense sereinement, assignée à résidence chez elle."
Dans le box, Sophie F., agacée, ne change pas de discours. "Ça fait bientôt dix-huit mois que je suis incarcérée à tort. Je n’avais aucune raison, aucun mobile. Je n’avais pas de haine envers lui, on avait des rapports cordiaux.""Si elle était remise en liberté, nous n’aurions aucun contrôle sur ce qu’elle peut dire ou faire", a toutefois estimé l’avocate générale, Alexa Carpentier.La cour est allée dans ce sens, maintenant la quadragénaire en détention. À ce stade, une question demeure : est-elle la "manipulatrice " décrite par son coaccusé et la partie civile ?
Julien Moreau