Championne du bétonnage de ses terres, la Nouvelle-Aquitaine va devoir se calmer
Trop de terres agricoles ou forestières sont « mangées » par des constructions chaque année. Et la Nouvelle-Aquitaine est la championne française de l'artificialisation. Le Sradett, discuté lundi par les élus régionaux, veut y remédier.
N’importe quel lecteur du populaire.fr normalement constitué devrait, à la lecture des lettres "Sradett", passer à autre chose. Cliquer sur une photo retouchée de madame Middleton, revenir sur Candy crush ou aller faire tourner une machine. Et bien, il aurait tort, car derrière l’ignoble acronyme sûrement inventé pour faire peur, se cache une politique qui aura des incidences dans la vie de tous les jours.
1. D’abord, le Sradett, c’est quoi ce machin ?Le Sradett, c’est le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Il définit une stratégie politique régionale dans les domaines des infrastructures de transports, de l’intermodalité, de la cohérence écologique, du climat, de l’énergie, de la prévention et gestion des déchets.
Surtout, le Sradett, c’est le roi Arthur à la table ronde. Tous les autres s’inclinent devant lui : le Scot (Schéma de cohérence territoriale des intercommunalités), PLU (Plan local d’urbanisme des communes), Plui (Plan local d’urbanisme intercommunal), les cartes communales, les plans de déplacements urbains… Tous doivent rentrer dans le cadre général du Sraddet. Qui définira des règles générales et donnera une cohérence à ce qui se fait dans la région. Ce n’est pas le Graal, mais pas loin.
2. C’est bien, mais en quoi ça me concerne ?C’est simple : si vous êtes élu, chef d’entreprise ou simple citoyen, les conséquences du schéma vous reviendront en pleine figure le jour où vous aurez envie de construire une salle des fêtes, un bâtiment quelconque ou une maison. Car le Sradett prévoit de lutter contre une plaie moderne : la consommation d’espaces naturels.
Imaginez :
Tous les dix ans, en Nouvelle-Aquitaine, c’est l’équivalent du bassin d’Arcachon en terres agricoles et forestières qui est artificialisé, par toutes sortes de constructions.
Cet étalement urbain permanent est une plaie pour l’environnement, mais aussi pour l’agriculture française d’autant que, comme l’expliquait lundi l’élue en charge du dossier Laurence Rouhède, « ce sont souvent les zones maraîchères autour des villes » qui sont ainsi grignotées.
Cet étalement urbain permanent coûte cher : il faut allonger les réseaux de bus, de fibre, de voirie… Les habitants s’éloignent des services, il leur faut donc souvent utiliser une ou deux voitures et multiplier les allers-retours vers la ville centre.
3. Donc, on ne pourra plus construire quoi que ce soit ?On n'en est pas encore là, et la fameuse Zéro artificialisation nette (ZAN), projet national qui prévoit que plus aucune terre ne doit être artificialisée sans que la même surface ne soit rendue à la nature, n’est prévue que pour 2050. Mais il faut entamer le mouvement en réduisant de 50 % la consommation d’espaces d'ici à 2031. Le Sradett fait des différences entre les territoires. L’aire de Bordeaux, très consommatrice, devra réduire sa consommation de terres de 55 %. L’aire de Limoges, comme celle de Poitiers, ne devra réduire que de 53 %. D’autres territoires, comme presque tout le Limousin, ne devront réduire leur consommation d’espace « que » de 49 %.
4. Comment ce sera possible ?En réinvestissant les friches, les centres-villes, en reconstruisant la ville sur la ville, en densifiant l’existant. Tout cela « touche au quotidien des gens, à leur cadre de vie, au développement des entreprises, à la poursuite des cultures », a remarqué Christophe Duprat (LR), qui pointe l’inquiétude que suscite la loi. « D’autant qu’on n’a jamais si peu construit en France, qu’on reçoit des injonctions de construire des logements et on va avoir de moins en moins de terrain pour le faire ? »
Julie Rechagneux (RN) a estimé que tout cela vient « en contradiction avec la réindustrialisation et la nécessité de revitaliser les territoires ruraux ».
La révision du Sradett dure jusqu’à l’automne. « Le dispositif est imparfait, a reconnu Laurence Rouhède, mais il faut un changement de mentalité. » Car qui n’a pas un regret à chaque fois qu’un champ ou un bois disparaît sous un parking ou un bâtiment ?
Jean-Louis Mercier