Le boucher star a plaqué sa vie parisienne pour tout recommencer dans la Nièvre : "Ici, on est dans la vraie vie"
Boucher multi-récompensé, reconnu des chefs étoilés et des stars, Yves-Marie Le Bourdonnec a plaqué sa vie parisienne, il y a deux ans, pour reprendre une boucherie-charcuterie dans la Nièvre. La seule à 20 km à la ronde. Un pari risqué qui commence à payer.
La petite salle de restaurant accolée à la boucherie de Bouhy, dans la Nièvre, affiche complet. Au menu, une terrine faite maison et des émincés de porc élevé à proximité. Sans chichi, mais tout est fait maison et à 18 € le repas complet. Le patron n’est autre qu’Yves-Marie Le Bourdonnec, le boucher des stars et des étoilés.
Le boucher des stars et des restos étoilés s'offre une nouvelle vie en s'installant dans la Nièvre
Il a vendu ses boucheries parisiennes à la renommée internationale et a tout recommencé ici, dans ce petit village, à un peu plus de deux heures de Paris. Il y venait pendant les vacances. La boucherie locale, la seule à 20 km à la ronde, ne trouvait pas de repreneur. C’était il y a deux ans. Celui qui a été élu meilleur boucher de Paris, meilleur burger du monde par le New-York Times et meilleur steak du monde par un magazine spécialisé a tout recommencé, à 55 ans.
"Je suis heureux ici, on est dans la vraie vie. À Paris, j’étais entouré d’actionnaires qui fonctionnaient avec des tableaux Excel. Il y avait une déconnexion. Là, je suis sur le terrain, avec les éleveurs. J’habite au-dessus de ma boucherie, où je suis sept jours sur sept. On ne peut pas être plus dans la vraie vie".
Il a créé trois emplois à l’année "que des femmes, alors qu’en boucherie, on a traditionnellement plutôt des hommes", plus deux à trois personnes pour la saison.
Pourtant, Yves-Marie revient de loin. Il a bien failli tout perdre en misant toutes ses économies dans cette boucherie-restaurant. Sa salle n’est complète que depuis février. Malgré son CV impressionnant, son carnet d’adresses trois étoiles et son expérience accumulée dans le monde entier, pendant un an et demi, sa boucherie et son restaurant sont restés vides.
Au début, c’était trop marqué sur mon front que j’étais Parisien. J’appelais même des copains pour qu’ils viennent manger. Le monde appelle le monde.
Il faut du temps pour se faire une place à la campagne et obtenir la confiance des locaux. La recette qui a rempli son restaurant est finalement toute simple. Ouvrir une guinguette avec des soirées à thèmes : "La Guinguette au Boucher, the place to Bouhy. Ça a créé de la convivialité, et j’ai proposé quelque chose que mon prédécesseur ne faisait pas. Ça m’a permis de sortir de la comparaison et du 'c’était mieux avant'. Aujourd’hui, je n’arrive pas encore à me verser de salaire, mais mon banquier me regarde avec plus de sympathie", confie-t-il.
Des soirées barbecue, charcuterie et burgerSa guinguette va prendre de l’ampleur cette année. Elle accueille une scène, un baby-foot, deux barbecues, le tout avec des meubles en bois de récup, des tandems accrochés aux murs et des parasols en paille qui donnent déjà un air de vacances. Le jeudi soir, ce sera steak house avec des os à moelle et des côtes de bœufs. Le vendredi, apéro concert avec sa charcuterie maison. Et le samedi, c’est burger party. La première soirée était déjà un succès.
L’autre clé qui lui a valu la sympathie des locaux, c’est le livre qu’il a écrit pour raconter son histoire. Il en a vendu 200 exemplaires rien que dans sa boucherie. "Ça explique d’où je viens, comment je suis arrivé dans le métier, comment j’ai choisi de l’exercer et ce que sera, selon moi, la consommation de viande dans l’avenir".
À cause du changement climatique, notre métier est à un tournant. On va vivre une transformation de la consommation de la viande. Elle va devenir un produit de luxe un jour, et notre découpe devra correspondre à cette valorisation".
En attendant, le spécialiste du bœuf maturé a repris ses ouvrages pour se replonger dans la charcuterie, la demande principale de sa clientèle. "Je n’ai pas l’impression de travailler quand je fais ça, je m’amuse". Et le résultat est là : il a parfois 150 personnes le samedi matin devant sa boutique.
Les problèmes d’un jeune, la sagesse en plus"Je me vois bien continuer comme ça tant que la santé me tient. Mais ma mission, c’est de transmettre pour que la boucherie perdure". Ce sera peut-être son apprentie, si elle se projette. "Pour le moment, j’ai tous les problèmes d’un jeune qui débute. Mais avec l’avantage de la sagesse, pour ne pas trop m’énerver, ni trop m’inquiéter".
Marlène Martin