Aider, renseigner, désamorcer les conflits… Quelles sont les missions des médiateurs de bus à Thiers ?
Aider les personnes âgées, désamorcer les conflits, renseigner les usagers… Les missions des médiateurs de bus à Thiers sont nombreuses.
Les deux pieds solidement ancrés sur le sol, les mains déployées sur les barres de maintien, Valérie Audinet regarde la route et les passagers. Les rues de Thiers défilent à travers l’immense pare-brise. Depuis le mois de février, cette femme de 50 ans est devenue médiatrice dans les bus.
Dès 2019, le syndicat des transports en commun thiernois, le SMTUT, a confié la médiation aux entreprises à but d’emploi de Thiers, issues de l’expérimentation Territoire zéro chômeur. D’abord à Actypoles, puis à Thiers Entreprise, où sont salariés Valérie Audinet et deux autres collègues à elle. Du lundi au vendredi, debout à l’avant du bus, elle veille à la sérénité des passagers.
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"Le métier de médiatrice, c’est aller à la rencontre des usagers, instaurer une relation de confiance avec eux, décrit-elle. On prend le temps d’aider les personnes âgées à monter dans le bus et on soulève leur chariot, par exemple. J’ai appris à faire attention aux signaux, pour aider les gens qui en ont besoin : les personnes à mobilité réduite, âgées ou vulnérables."
Ne pas déconcentrer le conducteurEn ce mercredi après-midi, un flot d’adolescents s’engouffre dans le bus à la cité du Pontel. Le voici quasiment complet. Mais une jeune fille ne monte pas, elle demande des renseignements sur une autre ligne. La médiatrice cherche sur son téléphone et passe un coup de fil pour l’aider. "Elle est nouvelle, elle ne connaît pas la ligne, confie Valérie. Je suis aussi l’intermédiaire entre les passagers et les chauffeurs. S’il y a des questions sur l’itinéraire, les horaires ou autre, c’est à moi qu’on demande pour ne pas déconcentrer le conducteur."
Une assistance bienvenue, gage de "tranquillité", pour le chauffeur, comme en témoigne Franck.
Que quelqu’un d’autre veille sur les voyageurs, cela permet de se concentrer sur la conduite, ce qui est particulièrement important à Thiers, ville qui n’est pas faite pour les grands véhicules.
Désamorcer les conflitsSi le bus est bondé, il reste très calme. Pour Valérie, c’est plutôt la règle. "Les faits que l’on peut connaître sont rares", constate-t-elle. Mais son rôle est aussi d’y faire face. "Il peut y avoir des gens qui montent sans payer. Des personnes ivres, qui ne sont pas dérangeantes, mais il faut faire attention. Certains sont interdits de bus pour des faits de violence, on doit les reconnaître", cite-t-elle.
Mais la plupart du temps, les problèmes de comportement se limitent à "des petits jeunes un peu insupportables. C’est dû à leur âge. Une petite gueulante et ça passe. Il faut être ferme, ne pas rentrer dans leur jeu."
Souvent, elle décèle les "embrouilles" dès l’arrêt de bus. Alors elle essaye de les canaliser avant la montée.
Ce sont des petits jeunes, ça se chamaille, mais sans plus. Je dois savoir repérer les signes de tension et ne surtout pas être agressive, il faut communiquer, c’est la clef. Même devant les jeunes qui jouent les caïds, il faut réussir à imposer le respect dans le calme. Pareil devant certaines personnes âgées qui peuvent être virulentes.
Durant ce trajet, Valérie n’aura eu besoin que de se retourner pour regarder un duo qui s’était mis à parler un peu fort et à demander à une jeune fille de retirer ses pieds du siège d’en face. "Pardon", s’est-elle tout de suite excusée, en se redressant. "Ils sont compréhensifs", remarque la médiatrice.
ConfidenteEt elle en repère, des choses, à bord de ces grands bus qui cahotent et zigzaguent dans les artères de la cité. "Il arrive de voir des personnes âgées prendre le bus pour faire l’aller-retour, sans prévoir de courses. C’est leur seule sortie de la journée, leur manière de garder un lien social. Souvent, les utilisateurs se confient à moi et des liens de confiance se créent. Je me souviens d’une jeune fille qui avait des problèmes avec son copain, elle m’en a parlé de la piscine jusqu’à la mairie."
Elle aussi trouve du réconfort et "du bien-être" dans ce nouveau métier. "Je souffrais de phobie, j’avais peur des gens", explique la Martiniquaise. Avant, elle faisait monter des couteaux avec Inserfac. "Quand il y avait trop de monde, je pleurais, je tremblais, je partais." Le directeur de Thiers Entreprise lui a proposé cette mission de médiation, au contact du public. Et finalement, elle l’a guérie. "Je suis très à l’aise, les gens sont chaleureux."
Aussi accompagnatrice pour les enfantsPour que l’entrée en matière soit plus douce, la quinquagénaire a commencé comme accompagnatrice d’écoliers, ce qu’elle fait depuis septembre. Sur la ligne E, de 7 h 38 à 8 h 25, elle escorte 17 petits qui prennent le bus depuis leur arrêt jusqu’à l’école de Peschadoires. "Je les aide à s’attacher et je les réconforte s’il y en a qui pleurent", dépeint-elle. Le soir, elle les accompagne en sens inverse.
"On ne peut pas quantifier l’impact des médiateurs de bus, indique Yoann Roche, directeur de Thiers Entreprise. Mais il est réel."
Angèle Broquère et Alice Chevrier