"Le froid est un stimulant extraordinaire" : pourquoi le Moscou-Paris est, malgré les virus, bon pour notre santé

Surnommé "Moscou-Paris", le froid actuel venu de Russie et de Scandinavie, avec ses températures entre 2 à 3°C en dessous des normales de saison, devrait encore se prolonger ce mercredi 10 janvier en France. Si cette météo polaire favorise la circulation des virus, elle a, aussi, des effets positifs sur la santé.

Nez qui coulent, fatigue, maux de tête, état grippal… Comme chaque hiver, la gastro-entérite, la grippe et le Covid remplissent les salles d’attente des médecins. Pour Yannick Simonin, virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes et professeur à l’université de Montpellier, le grand froid favorise la transmission des maladies saisonnières. "En hiver, on a tendance à rester plus confiné à l'intérieur, à moins aérer les pièces et, du coup, cela favorise la transmission des virus entre les personnes, détaille le virologue. Ensuite, les virus, avec des températures plus basses, ont tendance à persister plus longtemps dans l'environnement. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, le froid ne tue pas les virus."  

Autre explication "d'ordre physiologique" à ce lien entre grand froid et maladie :  l'hiver, "quand on respire, on a besoin de réchauffer l'air et cela se fait au niveau du tractus respiratoire, poursuit Yannick Simonin. Ce réchauffement de l'air implique souvent un assèchement des muqueuses respiratoires et provoque des micro-lésions. Quand il fait froid, on a des lésions plus importantes au niveau de notre nez, de notre bouche, ce qui va favoriser l'entrée des virus."

Enfin, une étude publiée le 6 décembre 2022 dans la revue médicale américaine "The Journal of Allergy and Clinical Immunology" fait le lien entre le froid et vulnérabilité face aux virus respiratoires. "Cette étude montre qu'à une température d'une vingtaine de degrés, on a (NDLR, dans notre nez) des sortes de gouttelettes qui contiennent des molécules permettant de lutter contre les infections virales. Lorsque les températures sont plus basses, ces vésicules sont moins présentes, et donc les défenses antivirales aussi. Cela favorise la multiplication de ces virus au niveau de la sphère ORL."

S'il favorise la circulation des virus, les bienfaits du froid sur la santé sont nombreux : il favorise l’endormissement, réduit la douleur et l’inflammation, améliore la circulation sanguine... Médecin généraliste en Normandie, le docteur Alexandre Fuzeau n’est pas pressé de voir le mercure remonter. Surnommé docteur Ice, l'homme, champion de nage en eau glacée, loue les bienfaits du froid pour le corps. "Le froid a toujours été considéré un peu comme un ennemi. Or, il faut se rendre compte que le froid est un stimulant extraordinaire qui permet de revitaliser la plupart des fonctions du corps. Ça stimule le système immunitaire, les glandes surrénales, la capacité à se dynamiser pour contrer des choses difficiles. L'esprit va devoir réagir contre le froid en se trouvant des solutions, et c'est un peu ce qui nous a fait en Europe passer de la préhistoire à l'âge moderne." 

Selon le médecin, il ne faut donc pas hésiter à exposer son corps au froid. "L'expression "n'attrape pas froid" est hors sol ! Au contraire, il faut se confronter au froid pour stimuler les réactions de l’organisme. Le corps est conçu pour s’adapter. Il est conçu pour fonctionner. Si on est tout le temps dans une pièce à 25° C et si on va constamment dans des piscines à 27°C, le corps perd, petit à petit, la capacité à se renforcer, car il ne sera plus stimulé.  

Le froid peut être une forme de vaccin naturel. Depuis que je fais de la nage en eau glacée, je n’ai plus de rhume. Je ne suis jamais malade en hiver. Les nageurs en eau glacée ont en moyenne 40 % de plus de globules blancs, c'est comme si le corps réagit et développe une réaction immunitaire.

De fait, le froid améliore la circulation sanguine, parce qu’il cause une contraction des vaisseaux, suivie d’une dilatation qui augmente le débit sanguin. C'est pourquoi une douche froide ou un bain glacé rapide permettent une meilleure oxygénation des organes. Pas un hasard si chaque année, des baigneurs se jettent dans la mer glacée. 

Si le Dr Alexandre Fuzeau encourage les bains de mer dans l’eau glacée, il rappelle que ceux-ci "ne doivent pas se faire à la légère. Il faut faire attention ; ça devient une mode et on peut être pris au piège de la facilité. Il faut s’entrainer et bien se connaitre pour faire cela en sécurité. Le froid peut être stimulant, mais il faut être en bonne santé. Il faut vérifier que le cœur fonctionne bien. “ Le traditionnel bain du 1er janvier a viré au drame en Normandie, un homme de 39 ans est décédé en mer à Dieppe, victime d'un arrêt cardiorespiratoire. “

Nicolas Faucon