La colère agricole ne faiblit pas en Creuse : "S'il le faut, on continuera de bloquer la RN 145"

Après avoir mené une mobilisation d’ampleur et inédite mercredi en Creuse, les agriculteurs du département comptent poursuivre leur mouvement dans la durée s’il le faut. La route nationale 145, toujours bloquée, pourrait continuer de l’être sans « réponses concrètes du gouvernement. »

Ses parents l’en ont toujours découragé. Pourtant, il a décidé de suivre leurs pas et d’exercer la même profession. « Ce n’est pas comme s’ils m’avaient souvent conseillé de faire autre chose », raconte Damien. À 26 ans, cela fait désormais sept années qu’il est éleveur bovin et porcin en GAEC avec ses parents sur la commune de Verneiges dans le nord-est du département.  « C’était une vocation, je ne pouvais pas faire autre chose. »

Mercredi, ce jeune Creusois membre du syndicat Jeunes Agriculteurs n’en était pas à sa première manifestation mais assurément à sa première d’une telle ampleur. Entre 250 et 300 tracteurs et 600 agriculteurs venus de toute la Creuse se sont en effet réunis à Guéret. Damien a pu venir avec des amis exprimer une colère partagée au niveau national par la profession. Beaucoup d’agriculteurs appartenant à des syndicats étaient présents mais aussi de nombreux qui ne le sont pas. « Il y avait de nouveaux visages qu’on ne voit pas souvent sur les manifestations », relate Damien, satisfait de cette mobilisation générale. « C’est le signe que la crise dans le monde agricole est très profonde, complète Christian Arvis, président de la FDSEA de la Creuse. Je crois que c’est du jamais vu en Creuse, il y avait des agriculteurs de tous les horizons. »

Damien, agriculteur de 26 ans est prêt, comme beaucoup d’autres de ses collègues, à maintenir le barrage de la RN 145 en cas de réponses « non suffisantes ». 

Après avoir déversé du fumier et du lisier à divers endroits de la ville dans la soirée de mercredi, les agriculteurs sont ensuite allés bloquer la RN 145 et divers ronds-points. Le barrage était toujours en place hier sur la deux fois deux voies, gardé par des dizaines d’agriculteurs qui se relayaient. Damien était des leurs après avoir passé toute la nuit sur place. « Là, on a atteint un plafond de verre, on est à bout », regrette-t-il. Un constat partagé par ses autres collègues venus sur le barrage. D’un professionnel à l’autre, les paroles recueillies révèlent les mêmes maux. « Aujourd’hui, il y a beaucoup trop de normes, dénonce le président de la FDSEA de la Creuse. La hausse des charges accompagne des salaires qui baissent. On souffre également de la concurrence internationale, on n’a plus aucune compétitivité. Et toute cette surcharge administrative au quotidien, c’est plus possible. »

Aujourd’hui, on importe des produits d’Espagne où ils ont le droit d’utiliser des pesticides, c’est un non-sens.

De surcroît, les producteurs dénoncent le non-paiement des aides de la PAC (Politique agricole commune). La Direction Départementale des Territoires (DDT) assure qu’une dizaine de dossiers - dont elle réalise les instructions - accusent des retards, sur plus de 2.700 Creusois. « On fait le maximum pour que ceux qui n’ont pas été payés le soient le plus rapidement possible », assure sa directrice Hélène Burgaud-Tocchet.

Avec la préfète de la Creuse Anne Frackowiak-Jacobs, elle est venue mercredi soir place Bonnyaud à la rencontre des agriculteurs écouter leurs revendications. « On les a fait remonter au niveau national », affirme la directrice de la DDT.Une écoute bienvenue pour les agriculteurs qui attendent désormais des réponses concrètes de la part du gouvernement (Gabriel Attal doit faire des « propositions concrètes de mesures de simplification » ce vendredi, n.d.l.r.).

Les agriculteurs creusois se disent prêts à monter à Paris s'ils n'ont pas de réponses suffisantes de la part du gouvernement.

Plus que des annonces, les agriculteurs demandent des « actes concrets » de la part du gouvernement. « Si on n’a rien de satisfaisant, on continuera de bloquer la 145 de manière illimitée », annonce Christian Arvis. Parmi les principales revendications : la levée des restrictions sur l’usage des pesticides ou encore des simplifications sur les démarches administratives. « Aujourd’hui, on importe des produits d’Espagne où ils ont le droit d’utiliser des pesticides, c’est un non-sens », s’indigne le représentant syndical.

Damien, lui aussi, attend avec impatience les réponses du gouvernement et se dit prêt à revenir sur le blocage de la 145 « tant qu’il le faudra. Et s’il faut monter à Paris, on ira », affirme-t-il, soutenu par ses collègues. Tous se tiennent prêts à incarner un mouvement qui pourrait s’inscrire dans la durée.

Pour autant, Damien ne regrette pas d’avoir embrassé sa vocation à l’encontre du souhait de ses parents. « C’est simplement devenu trop compliqué d’imaginer le futur, je me contente de vivre au jour le jour. » 

Manifestation : La confédération paysanne organise une mobilisation régionale ce samedi à 12 heures au parking de Carrefour Boisseuil à Limoges.

Vincent Faure

Photos Bruno Barlier