Au Salon de l'agriculture, Anne Hidalgo défend "une alliance entre les territoires ruraux et ultra-urbains"
À l'occasion du Salon de l'agriculture, Anne Hidalgo, maire de Paris, était présente sur le stand de la Ville, où une journée d'échanges autour d'AgriParis Seine et Seine nourricière était organisée. L'occasion de revenir sur l'histoire d'une collaboration en discussion depuis plusieurs années avec l'Yonne, pour promouvoir une alimentation durable et l'approvisionnement en circuit court.
En février 2020, les Pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) du Grand Auxerrois et Nord Yonne signaient avec la Ville de Paris une convention de coopération axée sur le développement de l’alimentation à haute qualité environnementale, la protection de la ressource en eau ou encore l’écotourisme. Trois ans plus tard et dans la continuité de la volonté initiale, six collectivités (dont le PETR Nord Yonne) et la régie Eau de Paris ont acté la création d’AgriParis Seine en juillet 2023, une association de coopération territoriale.
Au Salon de l'agriculture, ce mardi 27 février 2024, aux côtés de Nicolas Soret (président du PETR Nord Yonne) et d'Audrey Pulvar (adjointe à la maire de Paris en charge de l'alimentation durable, de l'agriculture et des circuits courts), Anne Hidalgo, maire de Paris, revient sur ce long projet. Visant à "structurer les filières" et valoriser les "pratiques agricoles et alimentaires durables".
Les premières discussions autour d'une coopération de territoire entre l'Yonne et Paris remontent à février 2020, puis "AgriParis Seine" a été lancé en 2023. C'est la concrétisation d'un long projet ?
C'est d'abord une vision, des territoires ruraux, des territoires urbains et même ultra-urbains comme la capitale de la France. Il y a plein de gens qui adorent les "clash", les oppositions. Ça ne fait pas la vie, ça ne fait fonctionner personne et surtout pas l'économie. Nous, on est partis d'une autre logique, celle d'une alliance entre ces territoires. La capitale de la France ne sera jamais autosuffisante dans son alimentation, et en même temps, on est confronté comme partout à des enjeux majeurs comme la qualité de ce que l'on a dans nos assiettes.
Nous ne sommes pas indifférents - parce qu'on a tous des origines dans nos provinces - à la situation du monde agricole et du monde rural. Avec Monsieur Soret, président du PETR Nord Yonne et d'autres collectivités, on s'est demandé comment concrétiser cette alliance. Paris a un marché, un marché qui est un débouché pour la production agricole. Un marché sûr et assez facilement organisable pour tout ce qui est de la restauration collective par exemple. Nos écoles, nos crèches, nos Ehpad, nos restaurants administratifs. On s'est dit : partons de nos besoins, voyons comme on peut travailler avec des territoires autour de nous.
Comment s'est tissé le maillage autour de Paris ?
On avait un lien très direct avec les territoires de captages via l'Yonne, la Seine, le Loing et d'autres rivières dans lesquelles on assure nos captages. On avait des terrains qui n'étaient pas cultivables parce qu'on ne voulait pas que l'eau soit potentiellement polluée. Mais on s'est dit : pourquoi ne pas travailler à l'installation ou à la conversion d'un certain nombre d'exploitations pour des besoins du territoire, mais aussi de notre territoire parisien ? Non pas par des subventions, mais par un débouché, par des marchés. Et ça marche.
Dans l'Yonne, Terres de pays d'Othe est l'un des premiers regroupements de producteurs à avoir approvisionné les cantines de Paris en lentilles et en huile bio, dès 2017. C'est un exemple pour prouver que cela peut marcher ?
Ce sont les meilleurs ambassadeurs ! À l'époque, quand on a signé ensemble, je me souviens être venue chez toi (Nicolas Soret, en juin 2021, ndlr), on avait eu un débat très fort avec les agriculteurs et les producteurs qui étaient là. On engageait cette démarche et aujourd'hui, tout le monde en récolte les fruits. C'est une assurance pour eux d'avoir un débouché.
Nous sommes une collectivité qui a besoin de ces produits-là, ils savent que l'on ne va pas les lâcher. S'il y a des aléas climatiques, ou des problèmes sur les récoltes, on joue de fait presque un rôle d'assureur parce qu'on ne va pas leur mettre la tête sous l'eau. On va travailler avec eux sur comment surmonter les difficultés. Les besoins resteront, et c'est aussi une question de confiance. On sait qu'on ne construit rien si on ne le fait pas dans la durée et dans une relation saine avec les producteurs.
En juillet 2023, lors du lancement d'AgriParis Seine, Audrey Pulvar, adjointe à la mairie de Paris en charge de l'alimentation durable, de l'agriculture et des circuits courts, insistait sur l'importance de réciprocité dans le partenariat. Comment se traduit-elle ?
Audrey Pulvar fait un boulot extraordinaire et on agrandit tout ça, puisque maintenant, on est vraiment sur toute la Seine. La Seine aurait dû s'appeler l'Yonne d'ailleurs (rires). Nous sommes une collectivité publique qui veut que les enfants, dans nos collectivités, mangent bien. On ne cherche pas à faire des marges et à nous enrichir sur le dos des agriculteurs. On sait que pour qu'ils puissent produire bien, il faut qu'ils aient une rémunération juste qui leur permettent de vivre dignement.
C'est aussi dans cette alliance-là, de la compréhension des contraintes et des responsabilités, que ça peut marcher. Notre système est très vertueux, certains pouvaient douter quand on l'a lancé, aujourd'hui la preuve par l'exemple, ça marche. Beaucoup de territoires s'intéressent à ce qu'on est en train de faire et on a vraiment élargi. Nous avons Le Havre, Rouen, la Seine-Saint-Denis... Nous sommes maintenant dans une démarche beaucoup plus globale qui permet de faire du gagnant-gagnant.
Par les temps qui courent, le message qu'on porte est positif. Il n'est pas dans le clivage. Quand on prône un changement de système ou de modèle, je pense que cela passera aussi par la responsabilité des collectivités, notamment des grandes métropoles, dans l'alliance qui peut se créer autour d'elles avec des territoires ruraux et producteurs.
AgriParis Seine. Le vendredi 7 juillet 2023, six collectivités et la régie Eau de Paris ont acté la création d’AgriParis Seine. Une association de coopération territoriale, dans laquelle s’est engagée l'Yonne, en faveur d’une agriculture et d’une alimentation durable. La Communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, le département de la Seine-Saint-Denis, Eau de Paris, la métropole de Rouen Normandie et du Grand Paris, le PETR Nord de l’Yonne et la Ville de Paris sont les membres fondateurs de l’association.
Propos recueillis par Caroline Girard