Quand le cheval à vapeur venu de La Souterraine enthousiasmait les habitants de Guéret
Les locomotives routières, symbole du progrès en marche, étaient un sujet de curiosité pour le public. Celle des frères Favry, de La Souterraine, a traversé Guéret en 1884.
En novembre 1770, l’ingénieur militaire français Joseph Cugnot essayait le premier prototype de son « fardier », un véhicule de 7 mètres de long, à trois roues propulsé par une machine à vapeur alimentée par une chaudière. Il l’avait conçu pour déplacer les lourds canons. Sa vitesse était de 4 km/h. Tant pour des problèmes techniques que financiers, le développement de l’engin fut abandonné.
Trois wagons en remorqueIl eut cependant une postérité, au milieu du XIXe siècle, avec les locomotives routières. Symbole du progrès en marche, elles étaient un sujet de curiosité pour le public. Le vendredi 15 février 1884, on lisait dans Le Courrier de la Creuse : « La locomotive routière des frères Favry, de La Souterraine, a traversé Guéret hier, se rendant à Châtelus d’où elle doit revenir aujourd’hui, remorquant un casse-pierres, machine énormément lourde et dont le transport avec des chevaux est toujours très difficultueux. La routière de MM. Favry se joue, elle, de toutes les difficultés ; à voir avec quelle aisance son conducteur la fait manœuvrer dans les rues mêmes de la ville, on comprend combien de services peut rendre, dans nos campagnes, un agent de locomotion aussi puissant ».Les Guérétois qui avaient manqué son passage eurent droit à une séance de rattrapage quelques jours plus tard, comme l’écrivait Le Courrier de la Creuse dans son édition du mercredi 5 mars :
« La locomotive routière des frères Favry, de La Souterraine, et un musée de cires installé sur la place Bonnyaud, se sont partagés hier soir les faveurs populaires. »
« On faisait foule autour du “cheval à vapeur” de MM. Favry qui s’avançait majestueusement entre les rangées d’arbres de la place du Palais, remorquant avec une facilité étonnante trois wagons chargés du matériel d’un bazar ambulant plus une voiture de comédiens… La locomotive routière a repris, dès le soir, le chemin de La Souterraine ».
Jusqu’à l’avènement du moteur à explosion qui sonna leur glas, les locomotives routières (appelées aussi locomobiles) furent aussi utilisées par l’agriculture, mais une nouvelle fois écartées par le comité d’artillerie de l’Armée à l’aube de la guerre de 1870, parce qu’inadaptées aux terrains accidentés, aux pentes un peu prononcées, aux franchissements d’obstacles, sans parler de leur lenteur et de leurs besoins en eau. On craignait aussi que leur bruit effraie les chevaux. La Prusse n’eut pas les mêmes préventions contre les locomotives routières, leur faisant transporter leurs canons lors du siège de Paris. Les locomotives routières subsistèrent jusqu’au début des années 1960 sous le nom de rouleaux (ou cylindres à vapeur) pour la réfection ou la construction des routes