À Guéret, le sentiment d'insécurité est-il lié à l'extinction de l'éclairage public ?
Dans un souci de sobriété énergétique, la réduction ou l’extinction de l’éclairage public la nuit se développe dans de nombreuses communes. Depuis sa mise en place à Guéret, le sentiment d’insécurité croît dans le même temps. Pour autant, est-il si simple d’établir un lien de causalité entre les deux sujets ?
Face à l’augmentation du prix de l’électricité, de nombreuses communes ont pris la décision en 2022 d’arrêter l’éclairage public la nuit. Depuis le 24 octobre 2022, la ville de Guéret est plongée dans le noir la nuit. À partir de 23 heures pour une partie de la ville et 2 heures pour une autre. Jusqu’à 6 heures du matin. « Cette mesure est justifiée par la sobriété énergétique, économique et écologique et se généralise, justifie Marie-Françoise Fournier, la maire de la ville. Quant aux économies substantielles réalisées ainsi par la ville, tout est réutilisé pour remplacer nos ampoules. 50 % de la ville est déjà équipée de leds. » En l’espace de sept mois, la mairie affirme qu’elle a pu réaliser 100.000 euros d’économie.
Un lien entre délinquance et éclairage ?Malgré tout, cette mesure a fait ressurgir le sentiment d’insécurité chez de nombreux Guérétois. Un ressenti accru depuis les derniers faits divers survenus ces dernières semaines à Guéret. Une trentaine de voitures dont les vitres ont été brisées dans la nuit du 8 février puis deux voitures incendiées en l’espace d’une semaine dans le même quartier à la fin du même mois.
Rapidement, Benoît Lascoux, du groupe d’opposition Guéret Écologie Solidarité, a tenu à exprimer ses craintes quant à la situation. « L’absence d’éclairage urbain n’explique pas toujours tout, mais aux heures où se sont produits les faits, qui peut nier que les voyous qui agissent de la sorte se sont sentis bien plus “protégés” pour commettre leur acte que s’ils avaient été exposés à la lumière d’un réverbère ? Rétablissons la lumière dans nos rues, la nuit. La sécurité de nos concitoyens passe par cette première mesure d’intelligence et de raison. »
Une nouvelle voiture brûlée à Guéret
Insécurité et sentiment d’insécuritéPourtant, établir un lien de causalité direct entre les deux sujets ne paraît pas si évident. Aujourd’hui, la possibilité d’éteindre l’éclairage public la nuit appartient uniquement à chaque commune. Il n’existe à ce jour aucune étude nationale sur le sujet. Aucun lien statistique n’a pu être établi entre l’extinction de l’éclairage et les actes de délinquance. Selon la police, celle-ci a diminué d’une manière générale à Guéret en 2023 par rapport à 2022. Seuls les cambriolages et les vols à la roulotte ont légèrement augmenté.
Ainsi, le sentiment d’insécurité est renforcé à chaque fait nouveau, développe l’édile de la ville préfecture. Nous y sommes sensibles mais il est important d’objectiver les choses.
Sylvie Bourdier, autre membre de l’opposition, cheffe de fil de Guéret en commun, tient elle aussi à différencier le sentiment d’insécurité et l’insécurité. « Un sentiment, comme son nom l’indique, variable selon les individus, selon comme ils sont concernés. Mais nous constatons malheureusement que ce sentiment bien naturel peut être manipulé et attisé, soit par manque de connaissance sur le sujet, soit par populisme de circonstance. Le risque étant bien sûr de renforcer la peur de l’Autre et de préparer le terrain à l’extrême-droite. »
Retour de l’éclairage ?En outre, la ville de Guéret a déjà connu des actes de délinquance par le passé quand l’éclairage était allumé la nuit. Déjà en 2018 quand une vingtaine de voitures avait brûlé durant l’été. Durant l’hiver 2019, trois autres avaient également été détruites par les flammes en une semaine. En mars 2022, trois véhicules avaient été brûlés durant la même nuit dans le centre-ville de Guéret. Ainsi, les actes de délinquance ne sont pas l’apanage du manque de lumière la nuit. De là, à ce qu’ils soient favorisés ? Difficile d’être aussi catégorique.
Toutefois, la maire de Guéret réfléchit actuellement à la possibilité de rallumer cet éclairage public. « J’ai demandé à mes services d’étudier les modalités, les délais et les coûts de remise en route et je n’exclus pas de demander leur avis à tous les Guérétois. »
D’autres caméras de vidéoprotection pourraient être installées prochainement à Guéret.
Le débat des caméras relancéLes récents incendies ont relancé le débat sur les caméras de vidéoprotection. Sylvie Bourdier estime « qu’il peut être pertinent d’en équiper quelques zones de passage ou de rassemblement en concertation avec la population. » Benoît Lascoux demande aussi l’installation de dispositifs de vidéoprotection « dans certains endroits stratégiques de Guéret. »
Aujourd’hui, la ville dispose déjà de quelques caméras dans le centre. « Nous en avons posé et envisageons d’agrandir notre parc, ce qui est un processus long et coûteux mais qui montre son intérêt », assure Marie-Françoise Fournier. Dernièrement, la préfète de la Creuse a également fait part de son intérêt pour l’installation de caméras de vidéoprotection précisant la possibilité de solliciter des subventions à hauteur de 80 %.
Vincent Faure