Plombière chauffagiste depuis dix ans dans le Puy-de-Dôme, elle vient de créer son entreprise
Est-ce que l'on peut dire "plombière" ? Oui, depuis 1999 et un rapport commandé par Lionel Jospin. Mais la langue a évolué plus vite que la société. Elles sont très peu nombreuses dans un domaine encore quasiment exclusivement masculin. Nous avons rencontré Annabelle Cléau, plombière chauffagiste depuis dix ans dans le Puy-de-Dôme et patronne de Cléau Maintenance depuis un an.
Annabelle Cléau est plombier chauffagiste. Plombière ? La question se posera peut-être plus tard, quand elles seront plus nombreuses. Pour l’instant, dans son métier, dans l'artisanat, et en plus cheffe d’entreprise, elles sont très peu, 4% !
D’ailleurs, dans son quotidien, dans le Puy-de-Dôme, cette professionnelle de 43 ans dit n’en croiser aucune autre. Et si son entreprise va souffler sa première bougie en avril, cela fait tout de même dix ans qu’elle travaille dans le secteur.
Après un parcours somme toute classique pour une femme dans le bâtiment :
“J’avais de bons résultats scolaires, je voulais travailler dans les eaux et forêts. On m’a dit surtout ne va pas en bac pro, ça serait dommage !”
Démontrer ses compétences et trouver le bon comportementCe sera donc un bac S, un BTS et un CDI dans une boîte d’agroalimentaire. Jusqu’à la crise de la trentaine. “J’étais malheureuse dans ce que je faisais”. Elle part donc en CAP plomberie puis une spécialisation en chauffage.
“J’étais la seule fille. J’ai commencé à comprendre qu’il allait non seulement falloir démontrer mes compétences, mais aussi trouver le bon comportement, ni froide, ni aguicheuse? Le pote d’armée quoi ! Je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’a demandé pourquoi je ne mettais pas de jupe au boulot…”. Au point qu’on ne la reconnaît pas si on la croise hors cadre professionnel, disent ses collègues.
Sortie de cette reconversion professionnelle, trouver un boulot a ensuite été compliqué. "Il me faudrait des toilettes pour femmes, alors non, je ne vous embauche pas, m’a-t-on répondu une fois."
Elle finit par trouver un stage de technicien de maintenance, mais le poste est en mobilité, elle quitte la Saône-et-Loire pour le Puy-de-Dôme. "J’ai eu des difficultés à faire ma place. J’ai ensuite travaillé chez Engie. Ils ont l’habitude de former, j’ai pu faire mes armes, je leur en suis reconnaissante. Avec l’expérience, j’ai pris confiance."
Débordée de travailSuffisamment pour décider de créer son entreprise. Cléau Maintenance va avoir un an, "je viens de faire mon premier hiver. C’est toujours là que le chauffage tombe en panne ", sourit-elle. Elle est débordée de travail.
"Être une femme n’est plus un sujet, seule la compétence compte." Dans ce contexte, être une femme est passé au second plan, "mais parce que je ne suis pas sur les chantiers, là, c'est vrai, c'est plus compliqué. Moi, je suis en lien direct avec les particuliers et pratiquement que sur du bouche-à-oreille. J’arrive recommandée pour mes compétences et j’instaure une relation de confiance. Je passe beaucoup de temps à expliquer, à rassurer."
"Il a fallu que j’apprenne à dire à non"Maman d’une petite fille de six ans, elle calcule tout pour harmoniser vie professionnelle et vie privée. "Il a fallu que j’apprenne à dire à non." Elle investit aussi dans un logiciel qui optimise ses rendez-vous en fonction de la zone géographique "pour gagner du temps, mais aussi pour optimiser mes déplacements, cela limite les frais et c’est bon pour l’environnement."
Elle articule son activité entre les contrats d’entretien et les dépannages. "Je travaille aussi avec des fournisseurs que je connais. Je ne fais pas jouer la concurrence, c’est vrai, je privilégie les gens que je connais et qui me connaissent." La compétence et le respect avant tout. Cléau Maintenance est sur les rails.
"C’était un vrai défi, j’y ai gagné en liberté, je suis très peu confrontée à ma condition de femme. Le seul écueil, c’est la solitude. Il faudrait que l’on soit plus nombreuses."
Cécile Bergougnoux