Mine de lithium dans l'Allier : le parcours du combattant de Montluçon communauté pour accueillir l'usine de conversion

À deux jours du lancement du débat public, prévu à partir du lundi 11 mars, autour du projet de mine de lithium du groupe français Imerys dans l’Allier, retour sur le parcours du combattant des villes candidates à l’implantation de l’usine de conversion, une des quatre composantes du projet.

La création de 1.000 emplois directs ou indirects, plus d’un milliard d’euros d’investissement. Annoncé en grande pompe, le 24 octobre 2022, à Échassières (Allier), le projet du groupe Imerys qui vise à l’exploitation du lithium présent sur le site de Beauvoir attise forcément les convoitises.

L’histoire commence un peu avant l’été 2021 du côté de Montluçon communauté, qui va finir par décrocher l’implantation de l’usine de conversion en ce début d’année 2024.

"Geneviève Roger, qui est déléguée générale adjointe aux territoires, est venue me voir pour me dire que l’Agence Auvergne-Rhône-Alpes entreprises avait été contactée par un groupe industriel qui souhaitait s’implanter dans la région", se souvient Frédéric Laporte, maire de Montluçon et président de Montluçon communauté. À l’époque, l’élu ignore qu’il s’agit d’Imerys.

"Nous savions juste qu’ils avaient besoin d’une grande superficie et d’un embranchement ferroviaire."

Dans les mois qui suivent, Imerys dévoile son identité et un accord de confidentialité est signé entre les deux parties. "Nous avons alors œuvré de concert avec certains de nos agents qui ont travaillé à l’aveugle", raconte le président de Montluçon communauté. Un travail de fourmi qui ne néglige aucun détail.

"Nous avons même étudié l’impact du bombardement de Montluçon en 1943 sur le site de La Loue pour ne pas tomber nez à nez avec une bombe qui n’aurait pas explosé à l’époque", se remémore Frédéric Laporte.

Dans le même temps, du côté de Commentry, on s’affaire. Mais d’une manière différente. "Il y a eu des discussions non pas avec la mairie mais avec les industriels de la commune, à savoir Adisseo et Erasteel, pour évoquer les possibilités d’accueil de l’usine de conversion", retrace le maire, Sylvain Bourdier.

Dans les bureaux de Montluçon communauté, on continue de s’activer pour rafler la mise.

"Après l’annonce officielle du projet, en octobre 2022, nous avons travaillé avec Imerys sur le dossier de l’eau et notamment l’utilisation des eaux usées dans le traitement du lithium."

Histoire de ne pas mettre leurs œufs dans le même panier, le groupe industriel étudie d’autres hypothèses. En particulier celle qui mène à Saint-Pourçain-sur-Sioule. "Quand ils nous en ont parlé, on leur a répondu : “Pourquoi pas?? Mais si vous pouvez le faire ailleurs, c’est pas plus mal”, parce que nous étions confrontés à deux obstacles", avoue Emmanuel Ferrand, maire de Saint-Pourçain. Le premier : le manque de place. Le second : un embranchement ferroviaire qui ne répond pas aux exigences d’Imerys. Les discussions s’arrêtent rapidement.

La candidature de Commentry a, elle aussi, du plomb dans l’aile. À l’été 2023, son maire comprend que la partie est perdue.

"Le site qui avait été pressenti pour accueillir le projet est ce que l’on appelle ici l’ancien crassier qui se trouve entre nos deux usines."

De l’eau industrielle en grande quantité, une desserte ferroviaire pour permettre la réception des trains chargés de lithium. Commentry ne manque pas d’atouts. Mais, comme à Saint-Pourçain-sur-Sioule, le manque de place est un handicap. Le site de La Loue, à Saint-Victor, près de Montluçon, fait alors figure de favori. Mais un outsider de dernière minute vient jouer les trouble-fêtes.

"En septembre, nous avons pris un coup derrière la tête en apprenant qu’Imerys envisageait de s’implanter dans le Parc industriel de la plaine de l’Ain", évoque Frédéric Laporte. Aux portes de Lyon, le Pipa semble correspondre aux attentes du groupe français.

"Je peux vous garantir que tous les téléphones, y compris celui de la préfète, ont chauffé. Nous sommes montés à Paris pour rencontrer les dirigeants d’Imerys et, très vite, ils nous ont dit que Montluçon était en pole position. Je suis revenu le cœur un peu plus léger."

Tous les obstacles semblent levés. Le 8 janvier, pour la énième fois, une réunion entre des représentants du groupe industriel et ceux de Montluçon communauté est organisée. Mais celle-ci restera dans la mémoire des personnes présentes. Ce jour-là, Imerys annonce à ses interlocuteurs que l’usine de conversion du lithium extrait à Échassières sera construite sur le site de La Loue.

"En arrêtant notre choix sur ce site, nous avons (aussi) privilégié une implantation sans riverains immédiats et ayant le plus faible impact sur le voisinage", explique-t-on chez Imerys. "Nous avons le succès modeste. Nous ne boirons le champagne qu’en 2028, lorsque l’usine sortira de terre", réagit Frédéric Laporte. Qui souligne : "Le chemin est encore long et lorsque vous voyez, en France, toutes les procédures et toutes les contraintes qui existent, je peux vous dire que c’est très compliqué".

Martial Delecluse