On m’appelle Demon Copperhead, Prix Pulitzer signé Barbara Kingslover, ou l'énergie vitale face au chaos
Inspirée par Charles Dickens et son David Copperfield, Barbara Kingslover raconte les déboires d’un gamin dans les Etats-Unis d’aujourd’hui. On m’appelle Demon Copperhead est à la fois terrible et incroyablement revigorant.
Que faire quand la vie, la société et bon nombre d’adultes s’acharnent à vous pourrir l’existence dès avant votre naissance ? Réponse dans l’épais roman On m’appelle Demon Copperhead.
Le héros narrateur dispose d’une énergie vitale hors du commun, proportionnelle aux malheurs qui s’enchaînent à un rythme exponentiel. Parce que, dans le comté de Lee comme dans pas mal d’autres endroits sur la planète, un problème en entraîne plusieurs autres...
Au début donc, un gamin né après la mort de son père, d’une mère orpheline et toxicomane. Le commencement des galères en somme. Elles vont en effet se multiplier tous azimuts. Mais, poussé par un élan vital admirable, le garçon trouve la force d’y faire face ou de s’en accommoder, c’est selon.
Des rencontres bienveillantesEt puis, c’est vrai qu’il y a de belles touches de lumière au milieu de perspectives bien sombres. À commencer par des voisins bienveillants, que Demon adopte comme grands-parents, en même temps qu’il bâtit une solide amitié fraternelle avec leur petit-fils.C’est bien l’un des talents de ce gamin presque privé de famille, de s’en bâtir une choisie au gré des rencontres. Elle ne sera pas nombreuse, car il croise plus d’exploiteurs, de négligents ou d’indifférents que de belles personnes, mais elle sera solide.
L'école, planche de salut ?L’école, cela aurait pu être une planche de salut. Mais Demon n’ira que quand les familles d’accueil véreuses lui en laissent le loisir, au milieu des tâches ingrates qu’elles lui attribuent. Dès qu’il le peut, le garçon sort un carnet et un crayon, et dessine sa vie ou celle des autres. C’est une activité, sinon secrète, au moins solitaire, et aussi une thérapie. Qui permet de développer un beau coup de crayon, et, parfois, de gagner quelques dollars.
Star de l’équipe de football du lycéeEt puis, un coach va lui déceler un autre talent, jusqu’à en faire la star de l’équipe de football du lycée. Toujours attachant, l’ado ne prend pas plus la grosse tête avec le succès qu’il ne se laisse abattre par les échecs.
Loser, c’est un précipice. Une fois que t’es tombé, t’es tombé.
Une société marquée par les inégalitéMais une blessure et l’engrenage des antidouleurs en plein essor dans cette Amérique gangrenée par les opioïdes mettront un coup d’arrêt à cette échappée.C’est la belle réussite de ce roman : à travers le regard lucide et les mots cinglants de Demon, c’est toute une société marquée par les inégalités, le mépris et l’indifférence que dépeint Barbara Kingslover. Une société où se développent aussi de superbes solidarités, permettant parfois de croire en l’avenir.
On m’appelle Demon Copperhead. de Barbara Kingslover, traduit de l’américain par Martine Aubert, chez Albin Michel, 624 pages, 23,90 €.
Prix Pulitzer fiction 2023 : On m’appelle Demon Copperhead a obtenu le Prix Pulitzer fiction 2023, ex aequo avec Trust de Hernan Diaz.
Pascale Fauriauxpascale.fauriaux@centrefrance.com