« Répéter, pour que plus jamais ça »
Eugène Meunier et Françoise Sylla fédèrent à eux deux une large partie des forces militantes vichyssoises dont le credo pourrait se résumer en un seul mot d’ordre : le devoir de mémoire.
Tout au long des deux heures de discussion, le message est revenu plusieurs fois sur les lèvres. « La guerre, la paix, l’histoire tout simplement doivent être au cœur des apprentissages civiques des jeunes générations. » Anciens combattants, le terme est souvent galvaudé, pourtant « chaque citoyen devrait connaître et participer à la sauvegarde de l’héritage des anciens combattants », insistent les deux protagonistes.
Eugène Meunier et Françoise Sylla ont des parcours de vie très différents sous le drapeau national. Le premier fait partie de cette génération que l’on envoya de l’autre côté de la Méditerranée pour participer à un conflit qui ne voulait pas dire son nom, la guerre d’Algérie. « Vingt-huit mois de mobilisation pris sur un temps de jeunesse. Et encore moi, j’en suis sorti vivant. Des milliers de gars sont restés là-bas. Des corps n’ont jamais été rapatriés. »
« Au fond, nous avons tous le même objectif. Dire, répéter, pour que plus jamais ça ! »Françoise Sylla, elle, avance trente-huit ans d’engagement volontaire sous l’uniforme, plus huit autres années dans la réserve opérationnelle. « Dans les Opex, entendez les opérations extérieures : Kosovo, Balkans, Liban… » Des lieux qui résonnent comme des batailles napoléoniennes.
Un point commun, « on ne revient jamais vierge de ces points chauds. Les images ne sont jamais loin derrière les yeux. Le souvenir reste douloureux à jamais. » Souvenir, on y est. Il est là le carburant de Françoise et Eugène. Une fois les armes déposées, l’heure est aux bilans, à panser les maux et à mettre des mots sur les évènements. Très vite, Eugène Meunier est entré dans le monde associatif qui s’efforce d’entretenir la mémoire des faits et des hommes. Simple bénévole d’abord, puis désormais en tant que président de l’Ulac (Union locale des anciens combattants).
« Des appelés anciens combattants, il n’y en aura bientôt plus, et c’est pour cela que j’insiste pour que l’on se regroupe. » Derrière l’Ulac, Eugène a fédéré une douzaine d’associations dites militaires. « Chacune a sa spécialité, mais au fond nous avons tous le même objectif. Dire, répéter, pour que plus jamais ça ! » Il en profite pour souligner l’implication de plus en plus importante d’enseignants qui font vivre des moments témoignages.
« Onze cérémonies officielles »Pour Françoise Sylla, la situation est bien différente, le monde est constellé de points rouges. « Des dizaines de jeunes engagés français sont mobilisés tous les jours, sur ces pays, pour maintenir la paix. Ils reviennent d’Afghanistan et d’ailleurs, post-traumatisés. On se doit de les accompagner, de défendre leurs droits. Quand ils sont sur place, nous organisons l’envoi de colis, d’échanges épistolaires avec des écoliers. » Là, on est plus dans le soutien que dans le souvenir.
Françoise Sylla est aussi engagée à l’Ulac en tant que vice-présidente et dans l’entraide des Médaillés militaires. Le calendrier de toutes ces associations militantes est chargé.
« Il n’y a pas moins de onze cérémonies officielles, à Vichy, plus quelques autres plus locales. Une cérémonie, cela se prépare. On ne peut pas galvauder ces instants symboliques. Discours, porte-drapeaux, gerbes de fleurs, musique, tout un protocole est nécessaire », précise Eugène. Françoise insiste, elle, sur ces stèles dispatchées dans la Montagne bourbonnaise. « Il faut entretenir, valoriser ces sites mémoriels aussi modestes soient-ils. »
Tous les deux ont en tête le 80 e anniversaire de Libération de la France. « 1944, les Français, le monde entrevoyaient enfin la lumière après un long tunnel. » La citation d’Élie Wesel reste malheureusement toujours d’actualité : le bourreau tue toujours deux fois, la seconde fois par l’oubli.