Vincent Jeanbrun (LR) : "Aujourd’hui rester silencieux, c’est déjà prendre le parti de la France du chaos"
Depuis l’attaque de son domicile en juillet dernier pendant les émeutes urbaines, le maire Les Républicains de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) refait entendre une droite des banlieues. L’« enfant des tours HLM », comme il se qualifie, publie « Les deux France » (Albin Michel).
Ce livre est-il une forme de thérapie ?
Ce sont trois choses. D’abord une thérapie, le besoin de poser par écrit ce qui nous est arrivé pour que cela ne soit pas oublié. Ensuite, c’est un constat : celui des deux France qui s’affrontent. Celle du sursaut face à celle du chaos. Enfin et surtout, c’est un appel à la mobilisation. Aujourd’hui, on ne peut plus rester sans rien faire. J’appelle l’ensemble des Français à agir pour défendre notre modèle de société et notre République que nous chérissons tant.
Que vous revient immédiatement en mémoire quand on évoque cette nuit du 2 juillet 2023 ?
Évidemment les images de mon domicile en flammes et le moment où je retrouve ma femme et mes deux jeunes enfants…. Et surtout me revient en tête l’immense élan de solidarité et de soutien de tous nos proches, amis, collègues élus, citoyens et inconnus. Je leur en serai éternellement reconnaissant. Et puis forcément, les images si émouvantes de la marche pour la République le lundi 3 juillet à L’Haÿ avec les images des milliers de personnes sur le parvis des mairies partout en France. Quel magnifique symbole ! Celui de la France du sursaut debout.Marche pour la République le 3 juillet 2023 à L’Haÿ-les-Roses. Photo Aymeric Guillonneau/Mairie L’Haÿ-les-Roses
Vous expliquez en vouloir à Jean-Luc Mélenchon…
Bien sûr. Je lui en veux à lui et ses obligés d’être les partisans de l’outrance et de l’embrasement. Quand certains de ses proches appellent à abattre la République : qu’espèrent-ils ? La défaite dans les urnes, la victoire dans la rue, c’est désormais la doctrine de la France insoumise. C’est non seulement risible mais surtout extrêmement dangereux. Quant à Jean-Luc Mélenchon qui pendant les émeutes a fait la liste de ce qu’on avait ou pas le droit de brûler pour cyniquement designer tout le reste, il avait malheureusement oublié le domicile des élus…
Vous dites avoir voulu raccrocher. Qu’est-ce qui vous attache encore à la chose publique ? D’abord, la certitude que l’on peut changer le cours des choses. Qu’il n’y a pas de fatalité à la relégation. La relégation des quartiers populaires, la relégation de la France dans le monde. Au niveau local, nous avons des résultats concrets qui changent la vie des gens grâce à l’école, au travail et au retour de l’autorité. Il est temps de réussir cela pour le pays ! Ensuite, la conviction que nous allons gagner ! Nous sommes des millions à vouloir le sursaut de la France. En face, nous n’avons que quelques milliers de partisans de la France du chaos. Je le dis à chacun : engagez-vous ! Il n’y a pas de petits gestes quand on est 67 millions à les faire !
Comment est né votre engagement en politique ?En 2002, lorsque pour la première fois de l’histoire, l’extrême droite française est au deuxième tour de l’élection présidentielle. Je n’ai pas encore 18 ans et je ne peux pas voter mais impossible de rester les bras croisés face à ce séisme politique. Je le raconte dans le livre, à l’époque je suis au lycée et je décide de monter une marche blanche des lycéens dans ma ville de L’Haÿ-les-Roses et des villes voisines pour appeler à la mobilisation pour la démocratie et la République.C’est une mobilisation contre Jean-Marie Le Pen mais c’est aussi un soutien personnel à Jacques Chirac. J’adhère parfaitement à son discours sur la fracture sociale.
Moi l’enfant des tours HLM, je me reconnais dans ce récit et cette volonté de lutter contre l’assignation à résidence. Il y avait dans ce discours un formidable message d’espoir.
L’idée que tout est possible pour celui qui le veut et s’en donne les moyens. La disparition de cet espoir de s’en sortir, c’est ce qui a changé dans les quartiers par rapport à mon époque.
Vous opposez deux France : l’une qui veut le chaos, l’autre qui travaille au sursaut. Mais entre les deux, ne peut-on pas parler d’une majorité silencieuse et… passive ? Si. C’est juste. Et aujourd’hui rester silencieux, c’est déjà prendre le parti de la France du chaos. La situation est trop grave. Ne rien faire n’est plus une option possible. Quand des enfants de la France, élevés à l’école de la République, prennent de façon aussi violente les armes contre leur propre pays, c’est qu’il est urgent d’agir avant qu’il ne soit trop tard. J’invite tous les Français à faire leur part. Ni plus ni moins. Vous connaissez la légende du Colibri ? Un jour, il y eut un incendie immense dans la forêt. Face à ce drame, les animaux terrifiés assistaient impuissants au désastre. Tous, sauf le petit Colibri qui s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Les autres animaux incrédules se moquaient de lui. Son action n’allait rien changer. C’est alors qu’il leur répondit « Oui mais moi au moins, je fais ma part ! ». Par son exemple, il motive les autres animaux qui tous ensemble éteignent l’incendie. Eh bien voila mon message. Que chacun fasse sa part et nous sauverons la France du déclin.
A quoi tient, selon vous, l’impuissance publique ? À la bureaucratie. À la perte de pouvoir du politique au profit de la technocratie. À la multiplication des agences qui ajoutent des normes et de la lourdeur administrative.L’hypercentralisation concentre tous les pouvoirs dans les mains d’une seule personne comme s’il pouvait tout résoudre alors que c’est évidemment impossible. Et ce phénomène engendre une défiance de plus en plus grande dans nos institutions et dans ceux qui les représentent. Cela ne mènera nulle part, si ce n’est à l’arrivée au pouvoir des extrêmes, qui eux non plus ne résoudront rien. Il faut une République de proximité, une République du quotidien. Donnons à nos maires de vrais moyens d’agir. Car si nous sommes capables de réparer les lieux les plus brisés que sont les quartiers populaires, alors nous pourrons réparer toute la France. Là est notre défi. La République des maires ? Et pourquoi pas ?
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Quels sont les leviers les plus forts quant aux violences faites aux élus ?Je vais vous surprendre mais le sujet n’est pas tant la protection des élus que la protection des citoyens. Nous, élus, sommes avant tout des citoyens comme les autres. Si vous protégez efficacement l’ensemble des Français alors vous protégerez aussi les élus.
Aujourd’hui, vous avez cinq à six millions de Français qui sont prisonniers des quartiers dans lesquels les caïds et les mafias font régner la terreur. Ce sont ces habitants qui sont pris en otage et qu’il faut libérer.Photo Aymeric Guillonneau/Mairie L’Haÿ-les-Roses
Quand les lois de la République ne s’appliquent plus, c’est toujours la loi du plus fort qui règne et toujours au détriment des plus fragiles. Ça doit être notre combat. Pire que l’assignation à résidence, il y a aujourd’hui l’assignation à la violence dans ces territoires.Vous évoquez le nécessaire "redressement de la France", cela passe par quoi ?D’abord du courage politique. Vous pouvez avoir les propositions les plus fortes pour redresser notre pays, sans courage politique pour les mettre en oeuvre, cela mènera nul part. Aujourd’hui, la France se scinde en deux camps : ceux qui respectent les lois de la République face à ceux qui ne jurent que par l’anarchie. Ceux qui les défendent au péril de leur vie face à ceux qui tentent d’imposer la loi des mafias. En somme pour le dire simplement : ceux qui veulent vivre en paix et ceux qui voudraient détruire la République.Le séparatisme prospère dans des territoires enclavés devenus inaccessibles pour la police. Car ses trafiquants ont fait du travail un outil de relégation plutôt que d'émancipation de nos concitoyens. Car il a endoctriné des jeunes Français contre leur propre pays. Car il a insidieusement installé le “pas de vague” à l'École qui aujourd'hui encore tue nos professeurs. Car la pauvreté, le chômage, le désoeuvrement, le mal-logement, l’immigration incontrôlée et la désassimilation lui offrent par centaines des serviteurs prêts à sacrifier leur place dans cette France qui, vu de leur fenêtre, les a oubliés.
Car le séparatisme a doucement mais sûrement investi tous les champs de notre République jusqu’à s’y camoufler derrière des écharpes tricolores pour mieux la renverser !
Alors oui, la République vacille, c’est vrai. Mais sur chacune des causes de son recul, nous pouvons agir ! Regagner le terrain en cassant ces tours et les ghettos urbains, remettre de la mixité dans les quartiers, refaire de la Justice une institution qui juge vite et efficacement, redonner des moyens à nos policiers, déclarer une guerre sans merci aux trafiquants, refaire de l’école un lieu d’émancipation, refaire du travail un outil non plus de relégation mais d’élévation sociale, avoir le courage de défendre la laïcité et ne plus accepter ces “accommodements raisonnables” inassumés. Voilà sur quoi nous devons avancer pour redresser la France.Éduquer ses enfants, c’est protéger la République. Enseigner la laïcité, c’est protéger la République. Soigner, c’est protéger la République. Chacun d’entre nous détient une part de cette République. Nous avons pris l’habitude de la défendre en silence. Il est temps de le dire fièrement, haut et fort.
Quel candidat LR vous paraît le plus à même de porter en 2027 les espoirs de votre famille politique ?Répondre à cette question, c’est déjà se tromper de paradigme. Arrêtons de penser que l’incarnation prime sur les idées. Quel projet voulons-nous porter ? Quelle ligne politique ? Quelle vision de la France avons-nous pour les 20 ou 30 prochaines années. C’est uniquement quand nous aurons décidé de cela que nous pourrons réfléchir à la bonne personne pour porter ce projet. Tous les 5 ans, un immense espoir se lève lorsque l’on pense avoir trouvé l’homme ou la femme providentiel qui va résoudre tous les maux du pays. Puis, s’en suit toujours une immense déception lorsque l’on se rend compte que ça ne sera pas le cas.
Alors arrêtons d’attendre tout d’un hypothétique sauveur et avançons collectivement sur un projet pour la Nation.
Vous parlez de "bon sens" à retrouver, comme le Premier ministre. La méthode Attal vous apparaît-elle efficace ?On verra à l’usage. Il est encore trop tôt pour le dire. Ce qui est certain, c’est que le Premier ministre a eu des mots qui vont dans le bon sens. Sur le logement, sur l’école, sur la police ou la justice. Les mots sont forts et puissants mais nous, élus locaux, attendons enfin des actes.Je ne vais prendre qu’un exemple. J’ai proposé que l’on puisse donner des pouvoirs de police judiciaire aux policiers municipaux afin qu’ils puissent ouvrir un coffre, faire une fouille, réaliser un contrôle d’identité. Lors du Conseil national de la refondation, en octobre, la Première Ministre et le ministre de l’Intérieur y étaient favorables et souhaitaient que l’on puisse avancer là-dessus. Bientôt six mois après, rien n’a pour le moment été mis en œuvre.Que lisez-vous actuellement ?Le dernier livre de Sylvain Tesson : « Avec les Fées ». Par son regard si magique sur nos terres et terroirs, il nous remplit d’amour et d’admiration pour ce vieux et beau pays qu’est la France. J’ai eu la chance de l’accueillir à L’Haÿ-les-Roses à l’occasion d’une soirée de charité pour l’Arménie. Une rencontre vibrante. Il ressuscite en quelques mots ce qu’est l’esprit chevaleresque qui a fait jadis notre fierté et notre gloire.
Propos recueillis par Florence Chédotal