Comment la forêt du Livradois s'adapte au réchauffement climatique
Face au réchauffement climatique, les sapins, très présents dans le Livradois, souffrent. Les propriétaires doivent s’adapter pour éviter que la forêt ne disparaisse. Le reboisement, avec des espèces plus résilientes face à la sécheresse, est la solution privilégiée.
La vue est étrangement dégagée. Au loin, se distinguent les reliefs du Livradois-Forez. Un panorama magnifique dont se serait bien passé Thierry d’Andigné, propriétaire forestier sur les hauteurs de Javaugues, porte d’entrée du parc naturel régional. Le vice-président du Groupement de propriétaires forestiers (GPF) a procédé, il y a deux ans, à la coupe de quatre hectares de sa surface arboricole.
À contre cœur. La décision lui a même valu un courrier de la part de deux promeneurs « scandalisés de voir que des arbres avaient été abattus. Mais si on fait cela, c’est pour protéger la forêt. » Depuis, la patience est de mise pour celui qui a entièrement reboisé la surface touchée. « Il y en aura pour 20 à 30 ans avant que l’ensemble ait repoussé intégralement », souffle le propriétaire de 140 hectares de bois.
Sous les 900 mètres, les arbres font grise mineLa sécheresse, de plus en plus présente ces dernières années, commence à avoir raison de nombre des essences dans le Livradois-Forez. Même à 700 mètres d’altitude.
« En réalité, dès que l’on est sous la barre des 800-900 mètres, les arbres sont en souffrance, ils manquent d’eau »
Les espèces mourantes sont très simples à reconnaître : elles deviennent toutes rouges. Parmi elles, figure en tête le sapin, notamment le Douglas. « Une fois ce stade atteint, c’est irréversible », assure Aurélien Roubin. Il faut donc penser à l’après et se détourner peu à peu du Douglas pourtant longtemps roi sur ces terres. La sélection des espèces se dirige vers celles étant capable de supporter le manque d’eau.
Les avantages du mélèzeConseillé par des spécialistes du reboisement au sein du GPF, Thierry d’Andigné a donc opté pour deux nouvelles variétés : le pin laricio de Corse et le mélèze. Deux essences bien implantées dans le sud. « Le mélèze a aussi l’avantage de perdre ses aiguilles l’hiver ce qui lui permet de s’économiser et de ne pas mourir de soif », informe Aurélien Roubin.
Leur arrivée traduit un changement de paradigme, provoqué par le réchauffement climatique. Celui de stopper la monoculture, pour laquelle les exploitants forestiers avaient les yeux de Chimène depuis plus de 60 ans.
On s’aperçoit que planter une seule variété peut rapidement devenir problématique lorsqu’il y a une complication. En cas de maladie ou de périodes de chaleur, il n’y a aucune solution de secours
Le reboisement s’opère de manière ordonnée. Face à la chaleur, les points d’ombres sont précieux. « On n’a pas tout rasé à blanc, certains arbres, même en voie d’extinction ont été conservés afin de couper les vents chaud et d’abriter les nouveaux plants », détaille Aurélien Roubin.
Pour chaque hectare renouvelé, Thierry d’Andigné a dû débourser environ 10.000 €. Heureusement, des aides existent, notamment au niveau de l’État, dans le cadre de France 2030 qui vise à accompagner le renouvellement des forêts dans l’Hexagone, mais « elles sont compliquées à obtenir », regrette Killian Neyrand, chef de service travaux et gestion forestière pour le GPF.
L’économie au service de l’écologieL’investissement demeure crucial mais risqué. « On ne peut pas mettre de côté l’importance de la qualité du bois : si les espèces introduites ne font pas de bons bois, alors elles se vendent moins bien, il y a une baisse de recettes pour le propriétaire et il devient plus difficile de trouver les fonds pour reboiser », décrit Killian Neyrand. Plantés par le propriétaire javauguois, le pin laricio et le mélèze sont prisés par le secteur de la transformation du bois. « Si l’activité économique se porte bien, alors il sera plus facile d’avoir un comportement écologique », résume Marc Lartigues, responsable et coordinateur du BTS Gestion forestière au lycée agricole de Bonnefont.
L’arrivée de ces nouvelles essences offre un répit. Mais les techniciens forestiers ne crient pas victoire. Et surveillent déjà la situation pour les prochaines années.
Grâce à l’application ClimEssence, on peut se projeter sur l’avenir en regardant si les arbres en place peuvent traverser les années sans encombre. Par exemple, les prédictions indiquent que le pin laricio de Corse devrait réussir à rester en place après plusieurs dizaines d’années
Et les spécialistes observent déjà avec attention ce qui se passe au-delà des 900 mètres d’altitude. « Les propriétaires en sont conscients, ils commencent à se préparer », rassure Aurélien Roubin. La météo des prochains jours est aussi particulièrement scrutée : « L’idéal, ce serait qu’il y ait de l’eau pour ce début de printemps », espère Killian Neyrand. Il le faut avant que la forêt ne troque sa robe verte en robe pourpre.
Mathis Eon