Fred Hantz, 20 ans après l'aventure de Brive en Coupe : "j'ai senti à la fin de la saison qu'il n'y aurait pas d'après"
Retiré à l’île Maurice, Frédéric Hantz n’a rien oublié de l’épopée de Brive en Coupe de France. Il est vrai que c’est elle qui a lancé sa carrière d’entraîneur.
Frédéric, cette aventure en Coupe de France a été le point de départ de votre carrière.
« Sans ce parcours en Coupe avec Brive, je n’aurais pas été en Ligue 1 un an plus tard. C’est grâce à ça que Le Mans m’a recruté, essentiellement par l’intermédiaire de Jean-Luc Arribart qui commentait les matchs sur Eurosport et qui est devenu un ami. Sans cette aventure en Coupe, je n’aurais pas connu six clubs de Ligue 1 derrière. C’est une certitude. Cela a été une fusée pour moi. J’étais entraîneur dans un club amateur, mais je ne faisais que ça. Il m’arrivait de tracer le terrain. Je n’avais pas d’autre métier à côté. J’étais impliqué à 800 % dans le club, dans la gestion du club, dans le management. Guy Roux disait : "un joueur professionnel, c’est un joueur amateur qui a eu de la chance". Cela vaut aussi pour un entraîneur professionnel. »
Quand avez-vous senti cette saison-là qu’il y avait un coup à faire en Coupe de France ?
« Je me souviens du cinquième tour. On gagne péniblement à Oradour-sur-Glane en faisant un match moyen. À ce moment-là, je n’aurais jamais imaginé qu’on puisse aller aussi loin en Coupe, même si on avait fait un très bon début de championnat qui nous avait donné de la confiance. On était premier après dix journées. Quand le parcours en Coupe est devenu sérieux, on a un peu abandonné le championnat parce qu’on ne pouvait pas être sur les deux tableaux. On avait une équipe soit pour monter, soit pour aller loin en Coupe. On n’a pas choisi. Mais l’énergie a été dans la Coupe à partir du mois de décembre. »Fred Hantz: "l'énergie a été dans la Coupe à partir de décembre"
Il y a eu un match de la bascule ?
« Après Oradour, j’ai souvenir qu’au septième tour on élimine Clermont-Ferrand à domicile. C’est le match qui nous a fait basculer dans la grande histoire de la Coupe. Contre Clermont, on avait une charnière très jeune avec Kevin Lacroix, Itek Zertan. Gaonac'h était blessé ou suspendu. On avait gagné dans des circonstances étonnantes. Chaque match a été une révélation pour nous-mêmes par rapport à nos moyens. En toute modestie, je préparais ces matchs avec une très grande minutie. Notre bon début de championnat avait donné de la confiance dans nos relations. J’ai pu prendre des risques dans le management, dans les relations avec les joueurs. Ces parcours-là, on ne peut les faire que s’il y a de la confiance entre les hommes. Toutes les planètes étaient alignées. »
Comment prépariez-vous justement ces matchs ?
« À l’époque, on n’avait pas les moyens d’analyse vidéo d’aujourd’hui. Pour préparer Clermont, j’avais récupéré une cassette vidéo d’un seul match. J’ai dû le regarder dix fois. Pour Lorient aussi, j’avais une cassette, que j’ai regardée trente fois. On reçoit Lorient, un 3 janvier. Cela a été un rendez-vous mythique. On avait passé le réveillon ensemble. Deux jours après, on joue le match et on gagne aux pénos avec Jean-Christophe Colard qui fait une série exceptionnelle. Il en a sorti trois ou quatre. On n’avait presque pas besoin de marquer vu qu’il arrêtait tous les pénaltys des Lorientais. Contre Nancy, on était mené 2-0 à la mi-temps. Je me rappelle que certains élus avaient quitté la tribune au changement de côté, convaincus qu’on allait perdre. On gagne 3-2 après la prolongation. »Brive est resté comme l'endroit où Guy Roux a perdu son dernier match de Coupe de France.
Et puis, en huitième de finale arrive le grand Auxerre de Guy Roux…
« La défaite d’Auxerre à Brive en 2004 est le dernier match que Guy Roux a perdu en Coupe de France. L’année suivante, il l’a gagnée et après, il ne l’a plus jouée. À l’époque, Auxerre était dans les trois premiers de Ligue 1 et était sur une série exceptionnelle avant de venir chez nous. Ils avaient d’ailleurs fait le déplacement au complet, preuve qu’ils n’avaient pas pris le match par-dessus la jambe. L’exploit est là. On bat Auxerre à la régulière, avec la réussite du Petit Poucet. »
Cette réussite, elle vous a fui contre Paris…
« Contre Paris, on a vraiment failli passer. On était à 1-1. Pauleta les qualifie à lui tout seul. En début de match, on est bien, présent dans le jeu, mieux que contre Auxerre. Après, Pauleta a fait la différence. Pour les 32e, 16e, 8e, il y avait eu un bon enchaînement dans les préparations. On avait à peu près un mois pour préparer chaque tour. Entre Auxerre et le PSG, il y a eu beaucoup plus de temps et on a perdu beaucoup d’énergie. Le club et la ville étaient en effervescence. On a eu trop de temps. Potentiellement, je reste convaincu qu’on pouvait battre Paris qui n’était pas au mieux. » Frédéric Hantz salue vahid halilhodzic après la victoire du PSG grâce à un Pauleta des grands soirs.
Vingt ans après, que reste-t-il selon vous de cette épopée ?
« Brive est une ville de rugby, il n’a jamais été question qu’on rivalise avec le rugby. Cela ne nous posait d’ailleurs pas de problème. C’est néanmoins dommage de ne pas avoir capitalisé sur ce parcours en Coupe. On avait beaucoup d’atouts. Dans les mois qui ont suivi, on aurait pu optimiser certaines choses au niveau de l’emploi des joueurs, des moyens financiers. Cela n’a pas été fait. C’est pourquoi j’ai préféré arrêter. Après des saisons comme ça, soit tu construis dessus pour grandir, soit tu ne parles que du passé et ce n’est pas intéressant. J’ai senti à la fin de la saison qu’il n’y aurait pas d’après. Je reste convaincu que Brive a un potentiel pour évoluer en National 1. Il y a une histoire, un potentiel de joueurs à exploiter entre Clermont et Bordeaux. »
Propos recueillis par Pascal Goumy