"Pascal Praud vote. Et vous ?" : LFI, bien plus qu'un affichage gratuit
LFI se rappelle au bon (ou au mauvais, c’est selon) souvenir de tous en affichant quelques personnalités incontournables de la politique, des médias et de l’économie et leurs convictions supposées pour inciter les électeurs à voter, notamment pour les insoumis...
À moins de trois mois des européennes et avant la désignation, aujourd’hui, de leur tête de liste, Manon Aubry, une campagne d’affichage de La France Insoumise (LFI), plus virtuelle que réelle, a déjà produit son effet en suscitant une vive polémique. Pour doper les inscriptions sur les listes électorales, Jean-Luc Mélanchon et ses équipes se sont plu, non sans quelques débats en interne, à placarder, plus sur la toile que sur le papier donc, quelques figures connues de la politique, des médias et de l’économie dont le fait qu’elles aillent voter et pour des candidats aux idées à l’opposé de celles portées par LFI ne fait, à leurs yeux, aucun doute. De toute évidence, il y a plus que l’épaisseur d’une affiche entre leurs convictions respectives...
« Le véritable but de ces affiches, c’est tout simplement que les médias en parlent, analyse Christian Delporte, professeur des universités en histoire contemporaine à l’Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Des affiches classiques seraient passées inaperçues et ces affiches qui font polémique semblent plutôt destinées à circuler sur les réseaux sociaux qu’à interpeller dans la rue. »
« Coup de com’ »« Les élections européennes, insiste-t-il, sont des élections aphones et le discours de LFI n’est pas le plus audible. Avec ces affiches à la provocation bien ciblée, les Insoumis se font entendre en haussant le ton avec ironie et si, en plus, la polémique enfle avec le battage médiatique, c’est un formidable coup de com’ qu’ils auront réussi. »
Avec ces affiches, LFI fait même coup double puisqu’elles visent, en interne, à remobiliser les militants et, en externe, à mobiliser un électorat plus large, notamment populaire qu’il s’agit de conquérir ou de reconquérir. « Le procédé, les affiches, est nouveau, pas le discours, reprend l’historien. Ce discours antisystème, LFI le tient depuis le longtemps et son patron, Jean-Luc Mélenchon, plus qu’aucun autre avec assiduité et virulence. Et ce que disent les affiches est simplement le ressenti des militants, des sympathisants et d’une large partie de l’électorat de LFI. A leurs yeux, les élites politique, économique et médiatique sont intimement intriquées. »
Justice saisie« Par ailleurs, poursuit Christian Delporte, la critique des médias à la solde du pouvoir n’est pas nouvelle. Place de la Bastille, au soir de l’élection de François Mitterrand en mai 1981, Jean-Pierre Elkabbach avait été moqué et hué. Ces affiches visent de même des personnes publiques, notamment des journalistes de longue date très en vue. Beaucoup des personnalités épinglées sont connues et perçues comme plutôt macronistes et d’autres pour être réactionnaires. Certes, ces affiches remettent en cause l’objectivité de ces journalistes. Mais il n’y a pas de quoi, me semble-t-il, poursuivre LFI en diffamation. » L’affiche « Nathalie Saint-Cricq vote. Et vous?? », sans doute pas la moins vue sur les réseaux sociaux l’éditorialiste de France Télévisions a cependant fin février entraîné une saisine de la justice par le groupe audiovisuel public. Ceci explique peut-être cela.
Interrogé par l’AFP, Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, a assuré qu’« il n’y a strictement aucune attaque ou mise en cause personnelle dans cette campagne ». « Il s’agit seulement de sensibiliser les Français à l’inscription sur les listes électorales », a-t-il encore précisé.
Jérôme Pilleyre
Manon Aubry intronisée ce samedi. Après plusieurs mois de faux suspense sur la désignation de Manon Aubry comme tête de liste, les Insoumis lancent officiellement aujourd’hui samedi leur campagne pour les élections européennes, bien conscients que les 22 % de Jean-Luc Mélenchon à la dernière présidentielle seront inatteignables. Les européennes n’ont jamais été l’élection de prédilection du mouvement de gauche radicale : sur les trois derniers scrutins, LFI (ou son ancêtre du Parti de gauche) a toujours fait des scores entre 6 et 7 %. Les Insoumis sont d’ailleurs parfois accusés d’enjamber cette élection pour se concentrer sur la présidentielle. « En 2019, on sortait d’un moment où on était l’outsider. Là, pour moi, notre but est de poser un jalon dans la stratégie de conquête du pouvoir », assure cependant Manon Aubry, qui dit ambitionner un score de 10 % et la première place à gauche.La France insoumise voulait initialement présenter une candidature commune de la Nupes à ce scrutin, comme lors des législatives de 2022. Mais leurs ex-alliés écologistes, socialistes et communistes ont vite choisi de se présenter chacun de leur côté. (AFP)