"Ça pourrait chauffer" : Prairies sensibles, toujours sensibles entre les agriculteurs du Cantal et l'Europe
Les prairies sensibles, où il est interdit de labourer, font partie des dossiers brûlants. En session, la chambre a voté une motion pour faire bouger les lignes.
Désignées en 2015 par le Muséum national d’Histoire naturelle, les prairies sensibles ont fait l’objet de vifs échanges à la session de la chambre d’agriculture, hier. Le dispositif a pour objectif, sur le papier, de préserver la biodiversité. Il fait partie des « bonnes conditions agricoles et environnementales » (BCAE), établies dans le cadre de la PAC. Identifiées « sans aucune concertation avec les acteurs locaux », déplorait Joël Piganiol, président de la FDSEA 15, elles concernent 22.957 hectares dans le Cantal. Des territoires supplémentaires ont été classés en 2023. Sur ces prairies, dans les sites Natura 2000, l’exploitant doit conserver la surface en prairie permanente : il ne peut ni la labourer ni la convertir en culture.Une problématique cantalienne « importante sur la conditionnalité des aides au niveau européen », commentait Joël Piganiol, qui concerne notamment la planèze de Saint-Flour. Si l’agriculteur est responsable d’une non-conformité à une des exigences ou normes, une réfaction de ses aides PAC est prévue.
Pourtant, « il n’y a aucune remise en cause des systèmes herbagers sur ces territoires, poursuit le président de la FDSEA. Depuis 2015, on se bagarre sur ce dossier. Nous espérons des leviers d’action rapides qui permettent de remettre de la rotation sur ces prairies. » De son côté, Romuald Védrines, membre élu du bureau de la chambre, a exprimé son impatience à Laurent Buchaillat, le préfet.
J’espère que vous allez faire le nécessaire. De toute façon, c’est une obligation, parce que ça pourrait chauffer dans le secteur, après.
La chambre d’agriculture a voté à l’unanimité une motion (*) « pour lever le carcan des prairies sensibles ». Les demandes convergent vers l’assouplissement de la contrainte qui pèse sur les agriculteurs concernés, voire la mise en place, sous certaines conditions, de dérogations.
La Lozère et le Cantal portés sur la table européenne« Je ne peux pas vous dire ce qui sortira de ce dossier », affirmait le préfet. « Je crois qu’il est légitime qu’on puisse faire bouger ce sujet, dont l’application sur une partie de notre territoire, conduit […] à perdre les bénéfices écologiques attendus du dispositif des prairies sensibles, et, en plus, à mettre les agriculteurs dans une situation compliquée. » Le préfet a assuré que le gouvernement portait ce dossier, avec les spécificités du Cantal et de la Lozère (environ 30.000 hectares concernés, NDLR) « sur la table des discussions européennes ».
Anna Modolo
(*) Des systèmes dérogatoires collectifs « cas de force majeure » sont également demandés pour permettre l’utilisation des biocides dans les zones de lutte contre le campagnol terrestre et l’autorisation de travail du sol en cas de sécheresse ou en cas de dégâts causés par les rats taupiers.