Qu’est-ce que le mésothéliome, ce cancer dont le suivi épidémiologique est menacé en France ?
Alors que Santé Publique France a annoncé, fin janvier, la fin d’un programme de surveillance des mésothéliomes, le professeur Frédéric Dutheil du CHU de Clermont-Ferrand nous explique ce qui cause ce cancer de l'amiante.
Les travailleurs ayant subi une exposition prolongée à l’amiante peuvent bénéficier d’un suivi post-professionnel. Dans le Puy-de-Dôme, cette surveillance médicale spécifique est notamment assurée par le service Santé, travail, environnement du CHU de Clermont-Ferrand, dont Frédéric Dutheil a pris la tête.
Qu’est-ce qu’un mésothéliome ?
C’est un cancer de la plèvre dû à l’amiante. En fait, à chaque fois que l’on respire, les poumons bougent contre la paroi thoracique. Pour que le mouvement se fasse correctement, la plèvre viscérale, une membrane attachée au poumon, coulisse contre la plèvre pariétale, qui tapisse quant à elle l’intérieur de la paroi thoracique. Si vous respirez de l’amiante, de très très fines fibres peuvent venir frotter contre la plèvre pariétale et, au bout d’un moment, transformer les cellules en cellules cancéreuses.
Combien de temps cela peut-il prendre ?
Dans le tableau des maladies professionnelles liées à l’amiante, le délai de prise en charge des mésothéliomes est fixé à 40 ans. En pratique, on a fréquemment des pathologies qui apparaissent après ce délai.
Depuis quand connaît-on les risques liés à l’amiante ?
Les dangers liés à l’amiante sont connus depuis la fin du XIXe siècle, si l’on se fie aux publications scientifiques historiques. Il y a plus de 150 ans que l’on sait que l’amiante tue. Le scandale, c’est que l’on a continué à l’utiliser malgré cela. Nous devons un suivi à ces patients : on ne va pas au travail pour mourir.
Comment avez-vous réagi à l’annonce de l’interruption du programme national de surveillance des mésothéliomes pleuraux par Santé Publique France ?
Tout d’abord, l’interruption n’est pas officielle. Santé Publique France a seulement envoyé un mail à certains correspondants pour l’annoncer. Pour moi, il y a une insuffisance de recherches sur l’amiante en France. Ce programme n’a pas un coût phénoménal et il est fondamentalement utile : il faut être capable de suivre une pathologie pour que la prévention soit efficace. Par ailleurs, je ne sais pas si c’est un bon message politique de dire aux personnes exposées que l’on arrête le suivi épidémiologique.
Quelle part de votre activité représente le suivi des malades de l’amiante ?
Le Centre régional de pathologies professionnelles et environnementales (CRPPE) suit environ 500 patients qui ont été exposés à l’amiante. 80 % d’entre eux ont une maladie professionnelle liée à l’amiante. En plus des symptômes physiques, ces patients vivent dans une angoisse permanente, car ils ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Louise Llavori