MaPrimeRénov : le gouvernement fait machine arrière et finalement, rien ne change
Entre raison économie et progrès écologique, le gouvernement a tranché. Il a revu les ambitions de MaPrimeRénov pour soutenir l’activité des artisans du bâtiment, mise à mal par la crise de l’immobilier et le recul du marché de la construction. Explications.
Où en est-on ?Au 1er janvier, le gouvernement mettait le paquet sur MaPrimeRénov : hormis pour les pompes à chaleur, le chauffage solaire ou le chauffe-eau solaire, c’en était fini de la politique de soutien au « monogeste » comme changer ses fenêtres ou isoler ses combles.
Les aides financières étaient désormais apportées à des rénovations « d’ampleur », comportant au moins deux postes de travaux et permettant un minimum de deux sauts de classe du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique). L’aide était bonifiée de 10 % pour les passoires thermiques (classes F ou G). Le gouvernement semblait même avoir admis l’absurdité d’installer des pompes à chaleur dans ces logements mal isolés, l’aide étant conditionnée à un DPE.
Patatras ! Deux mois plus tard, les compteurs sont remis à zéro. Oubliez tout ce qu’on vient de vous dire. En 2024, rien ne changera, le dispositif reste en l’état. On revient à 2023 avec toute la liste des monogestes qui ont fait son succès.
Que s’est-il passé ?« Mieux vaut une rénovation globale à un monogeste mais mieux vaut un monogeste que pas de rénovation du tout. » Cette lapalissade, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, l’a prononcée le 9 mars au lendemain d’une ultime rencontre avec les représentants du bâtiment (Capeb et FFB). Depuis plusieurs mois, ces deux organisations professionnelles étaient vent debout contre la réforme d’un dispositif qui leur permettait, jusque-là, de limiter la casse face à la morosité du marché de la construction. Ils ont obtenu gain de cause sur toute la ligne arguant que MaPrimeRénov nouvelle formule, « par sa complexité et son coût plus élevé pour le particulier », avait mis « un coup d’arrêt » aux chantiers.
Au passage, le gouvernement a sauté sur l’occasion pour réduire la voilure : le budget devait initialement augmenter de 1,6 milliard en 2024, portant l’aide totale à 5 milliards. L’augmentation ne sera finalement que de 600 millions. « On a constaté une sous-consommation de l’enveloppe de plusieurs millions d’euros. Et les premiers chiffres de 2024 ne sont pas suffisants », a justifié Guillaume Kasbarian, ministre du Logement.
Stop ou encore ?Pour les associations de l’environnement et du logement, c’est la douche froide. La pilule est dure à avaler. « C’est Anatomie d’une chute », résume Danyel Dubreuil, coordinateur de « Rénovons », collectif issu de la société civile. Une vingtaine d’acteurs – dont le Secours catholique, France Nature Environnement, la Fondation Abbé-Pierre, l’UFC Que Choisir – ont signé une tribune, dans Le Monde, où ils s’inquiètent du « stop and go » du gouvernement.
« On n’a même pas laissé sa chance à la réforme, que nous avions co-construite avec le gouvernement Borne, de se mettre en œuvre. Nous sommes consternés par la vitesse et la violence du détricotage. On a complètement été exclus de la discussion », poursuit Danyel Dubreuil. « La seule chose que le gouvernement a conservée, c’est l’idée d’un accompagnateur Rénov » dans le montage et le suivi du dossier, un allié protégeant aussi le particulier d’éventuelles fraudes. Mais son obligation se limite aux subventions les plus élevées, excluant de fait les monogestes, suivant là encore les souhaits de la Capeb et de la FFB qui veulent « vite se remettre au boulot ».
« La question est de savoir combien va durer la pause. Ou si on enterre définitivement la réforme, expose Danyel Dubreuil. En l’état, on a vraiment l’impression que les choix sont faits en faveur de l’industrie des pompes à chaleur, qui a des stocks énormes à écouler, au détriment de la bonne santé des bâtiments et du confort de vie des habitants. On va faire une mauvaise année en 2024 car avec tous ces changements de pied, les gens sont perdus. Et que va-t-il nous arriver en 2025 ? »
Nathalie Van Praagh