Pourquoi les plus anciens du secteur encaissent-ils mieux la crise immobilière ?
Nathalie Brun est à la tête de la plus ancienne agence immobilière de Clermont-Ferrand. Frappée de plein fouet par la crise immobilière, la cheffe d’entreprise s’est adaptée, malgré tout.
Face à la crise qui frappe de plein fouet les agences immobilières, seules les plus aguerries résistent, malgré la tempête. Nathalie Brun, qui dirige l'agence Brun-Estève, véritable institution clermontoise, livre son ressenti.
Beaucoup de professionnels mettent la clef sous la porte, quel est votre regard là-dessus ?
Pendant le Covid, l’immobilier avait le vent en poupe et beaucoup de négociateurs « porte-clef » se sont mis à leur compte. Je les nomme comme cela car ce ne sont pas des agents immobiliers. Ils n’ont pas les outils, ils ne savent ni estimer, ni monter les dossiers. J’ai vu des cas où ils n’avaient pas fait les diagnostics avant de proposer des biens à la vente. Je ne parle pas des compromis mal rédigés, des absences d’accréditations bancaires ou de compte séquestre… À un moment donné, les pouvoirs publics n’arrivaient plus à compter le nombre de mandataires.
Finalement, cette crise peut avoir du bon ?
Non, aucune crise n’est jamais bonne pour personne.
C’est pourtant le moment de faire de bonnes affaires ?
Je ne vois pas les choses comme cela car je trouve anormal que des gens qui ont passé une vie à rembourser la maison de leur vie soient obligés de la céder pour moins que la valeur à laquelle ils l’ont acquise. C’est pareil pour les jeunes, quand la Première ministre de l’époque (Élisabeth Borne) leur a expliqué que leur acquisition allait perdre de la valeur, vous croyez vraiment qu’ils ont eu envie d’investir ? Le discours de nos gouvernants cloche.
Pensez-vous que l’appel à l’aide de la profession finisse par être entendu ? L’État va être sanctionné très vite. La perte des recettes fiscales liées à la construction, aux ventes, mais aussi à l’activité des entreprises va être énorme. J’ai entendu Bruno Le Maire s’inquiéter d’un trou de plusieurs milliards, il est effectivement l’heure de se réveiller. La manne financière liée à l’immobilier va se tarir pour les finances publiques.
Comment expliquez-vous que des agences anciennes comme la vôtre résistent mieux à la crise ?
Comme vous le précisez, nous sommes la plus ancienne agence immobilière de Clermont-Ferrand. Mon grand-père s’est installé en 1936, avant de céder la main à mon père en 1972, puis à moi en 2002. Ce qui signifie que l’on a une clientèle fidèle et que l’on a acquis la confiance des gens au fil des années. Et puis, nous ne faisons que de la transaction immobilière. Nous faisons du neuf, de la rénovation. Ce qui signifie que je suis en mesure de trouver des entreprises au bon prix, j’ai mon réseau. C’est pareil pour les placements, nous connaissons parfaitement le marché et combien les biens se louent. L’immobilier est un métier qui ne s’improvise pas.
Êtes-vous optimiste pour 2024 ?
On sent que le robinet commence à se rouvrir tout doucement… C’est ma troisième crise en trente ans, on serre les boulons en espérant qu’elle va vite passer. Cette fois-ci, ce n’est pas ce que j’appellerais une crise de l’immobilier mais plutôt une crise de confiance en l’avenir. Il faut donc redonner du bonheur aux gens, aux jeunes et leur offrir de bonnes raisons d’être optimiste pour l’avenir.
Carole Eon