Tempête de neige, drague, sauts interdits... Un après-midi avec ces ados accros à la patinoire de Brive
C’est la seule de la Corrèze. Construite en 1972, la patinoire de Brive est ouverte de mi-septembre à début mai. Et c’est un lieu où on fait bien plus que patiner. Sur les 91.000 entrées comptabilisées en 2023, il y a « les habitués », ces jeunes qui ne louperaient un jour d’ouverture au public pour rien au monde. Sur la glace, ils ont trouvé leur « bulle de liberté ». On a passé un après-midi avec eux.
« C'est là-bas que j’ai roulé mes premiers patins. » Cet enfant de La Guierle a quitté l’adolescence depuis un moment et pourtant « la pati », construite avenue Léo-Lagrange en 1972, restera dans sa mémoire. Comme dans celle de Sothény, Whyatt, Elza, Lisa, Léo, Enzo, Lyam, Sacha et les autres… Des habitués, des « accros » de l’équipement municipal.
Pour patiner évidemment, mais pas que...Seule patinoire de la Corrèze. Pendant les vacances, ces ados y viennent tous les jours. « Le reste du temps, on vient le mercredi, le samedi et le dimanche. » En somme, dès que la glace est ouverte au public.
Mais pourquoi ? Pour patiner évidemment, mais pas que… « Je me sens libre ici. On fait ce qu’on veut. On vit notre vie sur la glace. Le monde autour, il n’existe plus. On pense à autre chose », confie Enzo, 16 ans, beau gosse, téléphone à la main et écouteurs dans les oreilles. Il fait une petite pause sur un bord, mais c’est au centre de la patinoire que ça se passe.
« Y’a rien à faire à Brive »Sothény, Elza et Jade ne se seraient jamais connues sans « la pati ». Elles ont 14, 15 et 16 ans, ne fréquentent pas les mêmes établissements scolaires, mais font partie de ce groupe dit « des habitués ». Pourquoi sont-elles là ? « Y’a rien à faire à Brive », lance Jade tout de go. Alors même si la blondinette n’est pas encore très à l’aise, elle a chaussé les patins.
Mais attention, quand on fait partie « des habitués », pas question de tomber. Sinon, c’est la tempête de neige assurée. Assise sur la glace, la tête entre les genoux, une grande brune subit la sentence juste à côté. « Les habitués » dérapent autour d’elle à toute vitesse, projetant de la glace jusqu’à ce qu’elle en soit presque toute recouverte. C’est bon enfant. La grande brune se relève, un grand sourire aux lèvres.
« Pour draguer, il faut savoir patiner »Il faut garder la face. À « la pati », on se regarde, on se jauge, on se drague aussi. « Il y a des p’tits charos », confie Sothény. Comprenez « ceux qui patinent avec beaucoup de filles ou beaucoup de gens différents ». « L’important, c’est le regard persistant », se persuade un jeune homme. « Il faut impressionner. Pour draguer, il faut savoir patiner », lance un autre. Et avoir ses propres patins. « Avec ça, c’est pas ouf ! », lance Lyam, 17 ans, en jetant un drôle d’œil aux patins rouges et noirs prêtés par la patinoire. « Tout le monde met ses pieds dedans… »
Ceux qui sont prêts à montrer leurs exploits au milieu de « la pati » ont tous leurs propres patins. Bon, les sauts sont interdits. « Si on fait trop de bêtises, on peut se faire virer. D’abord, ils nous interpellent depuis là-haut. » Là-haut, c’est la console. Derrière cette voix que crache la sono hors d’âge et que seuls les « habitués » comprennent, ce jour-là, c’est Bienfait Madiela Kiungu, plus connu sous son nom de scène Zed Christ. Pour lui, c’est un job étudiant mais aussi un moyen de côtoyer son public. « Je passe la musique. Mes morceaux, je les mets quand on me les demande seulement », pose-t-il humblement.
« La minute de vitesse »« Une boîte de nuit d’après-midi » pour Michel, 56 ans, qui patine main dans la main avec sa compagne, et qui aimerait que la glace soit « resurfacée » une fois dans l’après-midi « pour plus de confort de glisse ». La glace est aussi ouverte au public en soirée jusqu’à 22 h 45. « Le soir, c’est une ambiance différente. La musique, les lumières… » Et puis, il y a ce petit bonus tant attendu par « les habitués » à quelques minutes de la fermeture : « la minute de vitesse ». « Tout le monde sort et ceux qui veulent, peuvent faire quatre tours à fond ! » Histoire de se défouler encore un peu avant de retrouver le monde extérieur.
252Le nombre de jours d’ouverture de la patinoire de Brive chaque année, de la mi-septembre à début mai, incluant les journées réservées aux quatre clubs sportifs. 91.000 C’est le nombre d’entrées comptabilisées en 2023. 350 à 380.000En euros le coût annuel de l’énergie dédiée à cet équipement municipal.3,30 à 7,30En euros, la fourchette de prix des entrées de la patinoire de Brive qui varient en fonction des Brivistes et non-Brivistes et de la location de patins ou non.195Le nombre d’équipements dédiés à ces sports de glace en France. Le département le mieux doté est la Savoie avec dix-huit patinoires, viennent ensuite la Haute-Savoie (15) et les Hautes-Alpes (12).24Le nombre de départements en France ne disposant d’aucune patinoire. Le Lot, la Dordogne ou encore la Creuse en font partie.
Texte : Émilie AuffretPhotos : Stéphanie Para