Harcèlement scolaire : une lutte de longue date dans les établissements scolaires du bassin de Montluçon
La lutte contre le harcèlement est une priorité pour l’Éducation nationale. Dans le bassin de Montluçon (Allier), les établissements scolaires travaillent sur le sujet depuis longtemps.
Alors qu’il était ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal a fait de la lutte contre le harcèlement l’une de ses priorités. Si des actions avaient été mises en place, le programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe) permet de structurer la prévention. Après les écoles, en 2021, et les collèges, en 2022, son application est devenue obligatoire dans les lycées à la rentrée 2023.
Pour former leurs ambassadeurs, les conseillers principaux d’éducation des lycées Madame-de-Staël, à Montluçon, et Geneviève-Vincent, à Commentry, ont pu s’appuyer sur le travail déjà réalisé dans les collèges. "Nos ambassadeurs sont tous des élèves volontaires. Certains étaient même demandeurs car ils avaient des ambassadeurs dans leur collège", pointe Émilie Roman, une des CPE du Lem.
Un travail parfois de longue dateEn 2021, le collège Marie-Curie à Désertines avait été l’un des sept établissements pilotes de l’Allier pour le pHARe.
"Nous n’avons pas été désignés par hasard. Des actions de lutte contre le harcèlement étaient mises en place depuis 2018."
Pour les professionnels de l’éducation, l’intérêt de pHARe est que c’est un programme national qui utilise le même protocole sur tout le territoire. Avec l’entrée des lycées dans le programme, tous les niveaux du primaire et du secondaire sont aujourd’hui pris en compte.
Des ambassadeurs pour parler de pair à pairLes ambassadeurs ont pour objectif de faciliter la libération de la parole des victimes. Mais pas question pour eux de résoudre les conflits.
"L’objectif est de former les jeunes pour qu’ils comprennent bien ce qu’est le harcèlement. Que les témoins puissent intervenir quand la victime ne le peut pas et être un relais vers l’équipe enseignante."
"Il est important que les élèves prennent conscience que les témoins font partie du phénomène. Dans une situation de harcèlement, il y a toujours trois personnes : le harceleur, la victime et le témoin", renchérit, Florence Bonnet-Ferreira.
En plus d’être à l’écoute de leurs camarades, les ambassadeurs peuvent organiser des actions pour prévenir d’éventuelles situations de harcèlement et participer à la prise de conscience de leurs camarades.
Une équipe ressourceDans le cadre de pHARe, les élèves ambassadeurs sont encadrés par une équipe composée de CPE, d’enseignants, de personnels administratifs.
"Les élèves peuvent pointer une situation de harcèlement mais en aucun cas la résoudre. Ce n’est pas leur rôle."
Le rôle des ambassadeurs est d’alerter les équipes pédagogiques le plus rapidement possible afin que les problèmes soient pris en charge le plus tôt possible.
"L’objectif est que les situations soient vite résolues pour qu’elles ne s’enkystent pas et ne deviennent pas plus dramatiques", explique Florence Bonnet-Ferreira. Quel que soit l’établissement, les équipes travaillent avec l’agresseur pour qu’il développe de l’empathie et avec la victime pour la rassurer et la protéger.
Des ambassadeurs très investisLa décision de devenir ambassadeur pHARe n’est pas le choix du hasard. "On a des élèves de toutes les origines sociales, y compris des élèves en Ulis (unité localisée pour l’inclusion scolaire). Ils veulent jouer un rôle actif au sein du collège", se réjouit Céline Bourdier.
"Comme c’était ma dernière année au lycée, je voulais faire quelque chose de plus marquant. J’ai été victime de harcèlement et ça a joué. C’est déjà suffisamment compliqué avec les cours, les examens, la recherche de soi, alors le fait que des personnes viennent dire que “tu n’es qu’une merde !” n’a absolument pas lieu d’être."
Les ambassadeurs mettent en exergue qu’il n’y a pas d’établissement épargné par le harcèlement. "Des fois, on ne se rend pas compte de tout ce qui se passe et les harceleurs ont le temps de s’installer. C’est pourquoi quand on est victime ou témoin, il ne faut pas hésiter à franchir le pas et à parler", souligne Diego, lui aussi élève de terminale à Madame-de-Staël.
La présence systématique des réseaux sociauxÉlèves et équipes pédagogiques constatent la présence systématique des réseaux sociaux dans les cas de harcèlement. " Le numérique accentue les choses car maintenant il y a le harcèlement dans les établissements et en dehors", constate Diego.
"Chaque cas de harcèlement est en lien avec les réseaux. Il n’y a qu’une partie qui se voit au collège. On s’en rend compte. On a toujours des appels de parents lors de retour de vacances parce qu’il y a eu des problèmes durant ces périodes en dehors du temps scolaire. Ça montre que la problématique est plus vaste que l’école."
"Le harcèlement, c’est souvent la partie émergée de l’iceberg ", complètent Émilie Roman et Florence Muglia, CPE du lycée Madame-de-Staël.
L'école Notre-Dame enseigne la bienveillance à Montluçon
Alors que l’école Frédéric-Mistral à Montluçon a obtenu le label "promotrice de santé" par l’académie, l'école Notre-Dame se soucie, elle aussi, du bien-être de ses élèves.
Depuis trois ans, le projet de l’école porte sur la bienveillance. La première action est d’aider les enfants à exprimer de manière claire ce qu’ils ressentent. Une service civique formée est présente à chaque récréation. Un espace a été aménagé pour que les écoliers puissent lui parler en toute intimité. "J’aime cette formule : “la paix, c’est comme les mathématiques, ça s’apprend”. Quand on regarde les problèmes que nous pouvons avoir, on y trouve toujours de la peur. Contre cela, on travaille avec les enfants sur l’estime de soi", précise Pascaline André, la directrice de Notre-Dame.
Faire des enfants les acteurs de la résolution des problèmesDès qu’un conflit éclate, l’école intervient immédiatement. Sa responsable rencontre les jeunes et fait en sorte qu’ils deviennent acteurs de la résolution.
"Ce sont des enfants en construction. Il faut leur amener les bons outils. Lorsque je reçois des enfants, c’est la plupart du temps pour des moqueries. Je leur parle séparément et ils prennent des engagements les uns envers les autres. Les moqueurs développent de l’empathie et les victimes gagnent en confiance pour agir. On effectue un suivi très régulier."
L’idée est de faire réfléchir les enfants. "Le respect et l’estime de soi et des autres sont un cadre pour l’apprentissage. Un enfant qui se sent bien apprend mieux. On voit aussi que cela joue sur le climat général de notre école. Comme tout se passe bien, le personnel enseignant est plus apaisé. Ce que nous souhaitons, c’est que les enfants puissent réutiliser ce que nous mettons en place dans leur vie en dehors de l’école", avance Pascaline André.
Florence Farina