Des ovins à Meillard où on produit du vin
Des ovins sur un domaine où on produit du vin ? Ce spectacle dans les vignes est inédit sur l’appellation de Saint-Pourçain. C’est à Meillard que ça se passe. Pour le meilleur.
Revenons à nos moutons. Jean-Louis Pétillat n’a pas eu besoin de chercher midi à quatorze heures pour s’adonner au vitipastoralime sur le domaine de Bellevue où il officie en tant que maître de chai. Les brebis qui paissent tranquillement dans les vignes de cette belle propriété viticole campée à Meillard appartiennent à son voisin éleveur : Sylvain Ray.
Des ovins sur une propriété où on produit du vin ? Le spectacle est inédit sur l’appellation de Saint-Pourçain : "L’autre jour, j’ai un voisin qui m’a appelé : “Euh… il y a des moutons dans tes vignes… C’est normal ?” Il était vraiment très surpris !", s’amuse Jean-Louis Pétillat. Alors clairement, oui, le vigneron trouve le vitipastoralisme "normal ". En racontant que sa pratique ne comporte que des bénéfices :
Les brebis travaillent naturellement la terre en la piétinant superficiellement sur une parcelle de 2,5 hectares. C’est bénéfique pour la vie naturelle du terrain
Redoutables tondeuses sur pattes (*), les brebis lui nettoient également les sols de façon impeccable : "Quand la vigne arrive en début de végétation, cela me permet d’éviter un broyage avec mon tracteur, explique Jean-Louis Pétillat. C’est du temps gagné, c’est sain, c’est moins de carburant consommé. C’est une méthode vertueuse et un petit plus dans notre démarche de Haute valeur environnementale (HVE)".Moutons en pâture dans les vignes au domaine de Bellevue à Meillard.Joli bonus : le panorama mérite le coup d’œil. Le domaine de Bellevue n’a jamais aussi bien porté son nom. Il enivre régulièrement les clients qui s’y déplacent pour acheter du vin :
Voir des moutons dans des vignes, c’est beau et ce n’est pas courant dans notre région : les gens aiment ça !
Le domaine viticole de Bellevue fête ses 100 ans en soutenant l’Ésat
Sylvain Ray, le voisin éleveur de Jean-Louis Pétillat, n’est pas le dernier à se repaître de ce tableau bucolique. Au-delà de l’esthétisme, l’agriculteur de Meillard jauge surtout le procédé d’un point de vue technique et pratique :
Le vitipastoralisme augmente l’autonomie fourragère de mon exploitation, souligne-t-il. Car tout le temps que mes brebis passent dans les vignes de Jean-Louis, elles ne le passent pas à consommer du fourrage sec chez moi. Et elles laissent mes prairies au repos. Ce qui me permet aussi de faire le gain d’un traitement sur le parasitisme.
Pour faire court, dans le vitipastoralisme, tout est bon pour la nature. Du coup, c’est aussi bon pour la communication du monde agricole, souligne Sylvain Ray, avec sa casquette de président du syndicat des éleveurs de moutons de l’Allier : "Ma collaboration avec Jean-Louis Pétillat peut contribuer à montrer la viticulture et l’élevage ovin sous un angle différent, dans une société où on nous parle constamment d’écologie".
StratégieÀ une époque où le consommateur est invité à vérifier la provenance et le contenu de son assiette, cette exigence du respect du vivant et de l’environnement relève aussi d’une stratégie commerciale mûrement réfléchie : "On s’inscrit dans une démarche de valorisation de nos produits de qualité, confirme Sylvain Ray. Personnellement, je suis éleveur-sélectionneur en race Île-de-France où, avec la sélection génétique, j’essaie de faire dans le haut de gamme. Plus largement, il y a aussi toute une filière qualité avec l’Agneau fermier du Bourbonnais. Nous avons dans le département des méthodes de travail et des productions qui méritent d’être mises en avant".Moutons en pâture dans les vignes au domaine de Bellevue à Meillard.Et quelle meilleure façon de promouvoir une production élevée sur les terres et dans les vignes de Meillard que de la servir dans un restaurant de Meillard ? Pour boucler la boucle de la proximité, l’Auberge de Meillard régale ainsi les gourmands avec de la viande d’agneaux issus du cheptel de Sylvain Ray. Les propriétaires du restau, Nadège et Laurent Hoarau, ne sont manifestement pas fans des moutons de l’hémisphère sud : "On travaille exclusivement avec des produits près de chez nous, ça fait partie de nos valeurs. De plus, comme on connaît l’excellence du travail de Sylvain Ray, c’était une évidence pour nous". Produire, manger et communiquer localement ? Difficile de faire mieux qu’à Meillard.
(*) À Bellevue, le vitipastoralisme se pratique généralement de janvier à mars. Les brebis sont logiquement retirées au moment du bourgeonnement de la vigne afin qu’elles ne mangent pas les bourgeons.