Un homme torturé et violé à Riom en 2020 : quatre accusés condamnés, le cinquième acquitté
Viols, humiliations, coups… Un homme a vécu l’enfer, durant plusieurs semaines, dans le huis clos d’une petite maison, en 2020, à Riom. Ses bourreaux ont été condamnés, jeudi 28 mars par la cour criminelle du Puy-de-Dôme.
Ils ont la notion du bien et du mal, ont dit les experts. Mais durant deux mois, entre mars et mai 2020, les cinq accusés, jugés cette semaine par la cour criminelle du Puy-de-Dôme, ont franchi la limite. Dans le huis clos de la petite maison de bourg de Roland Léonard, rue Lafayette, à Riom, ils ont torturé Grégoire (prénom modifié), alors âgé de 35 ans.
De sept à douze ans de prisonJeudi 28 mars, à l’exception de Thierry Priva, acquitté, ils ont été condamnés pour actes de torture et de barbarie. Roland Léonard, 52 ans, est également condamné pour complicité de viol. Il écope de douze ans de prison (huit ans requis). Virginie Manceau, 38 ans, est condamnée à huit ans de prison (cinq ans requis)?; son mari, Mickaël Manceau, 41 ans, à dix ans de prison (cinq ans requis) et Audrey Servier à sept ans de prison (cinq ans requis).
Brûlure, urineDurant trois jours de procès, c’est sur la même litanie de sévices subis par la victime, que les a interrogés la présidente Diane Amacker : gifles, coups de pied, coups de poing, torsion des testicules, brûlure sur le torse… Grégoire a vécu l’enfer, contraint de manger du pâté pour chien, de boire l’urine, de dormir sous la table, de manger par terre, de se mettre à genoux sur une barre de fer… Des faits reconnus a minima par le couple Manceau et par Servier. Ils ont admis avoir frappé. Les sévices?? Ils se sont retranchés derrière « la peur » que leur inspirait l’autoritaire Léonard pour les expliquer : « Mickaël Manceau a été le bras armé d’une figure dictatoriale », a défendu son avocat Me Béranger. « Léonard avait l’ascendant sur les autres », a affirmé Me Gillet, conseil de Virginie Manceau. « Audrey disait qu’avec Léonard, tout pouvait arriver » glisse Me Constant. Roland Léonard, un fan de Johnny Halliday aux airs de Jack Nicholson, c’est celui, a résumé Dominique Puechamaille, avocate générale, qui a « traité Grégoire moins bien que son chien ».
Effet de groupe"Depuis le début, il y a un choix procédural qui consiste à ne retenir que ce qui accable Léonard?! "
Léonard est-il le tyran devant lequel ses quatre coaccusés se sont effacés?? Son avocat, Me Canis, remémore aux juges que l’horreur des actes a semblé émouvoir ou consternés, la première audition « spontanée » de Grégoire. Celle où il parle de Léonard comme d’un « protecteur » face à Michaël Manceau qui l’a « massacré » de coups de poing. Face à Virginie, qui lui a marché sur les jambes. « Ces déclarations, on les oublie. Vous allez les ignorer?? », s'échauffe l’avocat. « Depuis le début, il y a un choix procédural qui consiste à ne retenir que ce qui accable Léonard?! ».
"C’est évident qu’il y a eu une dynamique de groupe qui a permis à chacun d’agir plus facilement"
Ce procès où les accusés ont en commun d’avoir des capacités intellectuelles limitées, des vies chaotiques, où le plus riche vit de l’allocation adulte handicapée, a posé la question de l’effet de groupe. Auraient-ils commis ces actes s’ils ne s’étaient pas retrouvés ensemble, dans le contexte du confinement du Covid, à six, dans une maison de 30 m2?? « C’est évident qu’il y a eu une dynamique de groupe qui a permis à chacun d’agir plus facilement », a considéré l’avocate générale. Dans sa volonté de ne pas requérir en bloc, de pas les mettre tous dans le même sac, elle a proposé une hiérarchie des peines. La plus forte pour Léonard, « celui qui commande ».
"Personne n’a appelé les secours. C’était pas une adhésion à une volonté sadique collective??"
Un effet de groupe où « le libre arbitre de chacun était quasi annihilé », a plaidé Me Canis. Où chacun était « pourvu de son libre arbitre », s’est opposé un peu plus tôt, Me Portal, avocat de Grégoire. « Personne n’a appelé les secours. C’était pas une adhésion à une volonté sadique collective?? ». Son client « psychiquement faible » a dit l’expert psychologique, était une victime prédisposée. Incapable de fuir. La porte serait restée ouverte, il n’aurait pas quitté cet enfer.
Acquitté des viols. Thierry Priva, 58 ans, est celui qui a violé Grégoire par pénétration annale et fellation. La cour l’a reconnu coupable mais l’a acquitté. Les juges l’ont effet déclaré pénalement irresponsable. Une irresponsabilité plaidée par Me Oulmi, soulignant que son client, avait agi sur ordre et sous la contrainte de Roland Léonard qui exerçait sur cet homme « intellectuellement limité », « une emprise totale ». Trois ans de prison avec sursis probatoire avait été requis. photo Franck Boileau
Leïla Aberkane