"Puissance d’équilibre", Inde premier client... Comment la France est devenue le 2e exportateur mondial d'armes
L'Hexagone a pris la place de la Russie au classement des plus gros vendeurs d’armes au monde, selon le dernier rapport du Sipri (l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm), dévoilé le 11 mars dernier.
Renaud Bellais, co-directeur de l’Observatoire de la Défense de la Fondation Jean -Jaurès, remet en perspective cette bonne performance.
Vous dites qu’il faut prendre le rapport du Sipri avec précaution…
Les chiffres du Sipri ne portent que sur les gros équipements. Ils ne prennent pas en compte les achats de munitions, de pièces détachées, de petits équipements pour les forces spéciales. Cela joue en faveur de la France car nos exportations sont tirées par les grosses commandes. D’autres pays vont peut-être vendre davantage de munitions, de petits équipements, qui ne sont pas pris en compte par le Sipri. Ce rapport est du coup peut-être un peu trompeur.
Reste que les exportations tricolores sont en hausse de 47 % entre 2019 et 2023. Et le succès du Rafale y est pour beaucoup…
Quand on vend un équipement aussi complexe que le Rafale, qu’une frégate ou qu’un sous-marin, on vend aussi les équipements associés. Pour un bateau, ce peut être des équipements de communication, des radars, des torpilles. Il y a un effet d’entraînement.
Il y a historiquement une tradition d’exportation de l’industrie française…
La France s’est dotée d’une industrie capable de fournir les armées de manière très autonome. Le problème, c’est que compte tenu du budget de la défense, les besoins des armées françaises ne sont pas suffisants pour maintenir en activité cette base industrielle. Et donc, dès les années 1970, l’État a intégré dans les lois de programmation militaire le fait qu’il fallait qu’une partie de la production soit assurée par les commandes à l’exportation pour maintenir des compétences dont pourraient avoir besoin les armées.
L’Inde est le premier client en termes d’exportation pour la France
La France a réussi à développer ses ventes internationales parce qu’elle est, comme dit le ministère, une puissance d’équilibre. Quand on achète un matériel russe, américain, on accepte d’être un allié ou un partenaire proche de ces pays. La France a toujours dit qu’elle avait développé son industrie pour obtenir l’autonomie stratégique et qu’elle apporterait aux autres pays le même niveau d’autonomie stratégique. Donc, quand on achète un matériel français, il n’y a pas d’obligations associées. Comme l’Inde est un pays historiquement non aligné, on a une certaine convergence de vision du monde.
Recueillis par Nicolas Faucon