Ils en ont la couleur, la texture, le goût mais ce ne sont pas des bonbons : qu'est-ce que les gummies ?
Ils ont la forme de bonbons et vous promettent monts et merveilles, pour vos cheveux, votre sommeil, votre poids… Face à ce marché des gummies en pleine expansion, les scientifiques mettent en garde contre le risque de surconsommation.
Gourmands, régressifs, colorés, ce sont les gummies. Comme souvent, la mode est venue des États-Unis. Et elle s’installe maintenant en France avec une croissance à deux chiffres. Ces complémentaires alimentaires qui ont la couleur, la texture, la forme et jusqu’au goût d’un bonbon représentent déjà une vente sur deux outre-Atlantique.
L’argument du plaisirSéduisant une clientèle plutôt jeune, ces gommes font écho à une approche ludique du bien-être. On peut les trouver sous forme d’ourson, d’étoile, de petites billes… Ce sont de vrais couteaux suisses, vendus, à l‘envi, pour vous faciliter le sommeil, vous assurer de beaux cheveux ou une belle peau, vous donner un regain d’énergie, vous aider à perdre des kilos, quand ils ne vous promettent pas de renforcer votre système immunitaire ou de mieux digérer.
Initialement baptisé Les Miraculeux, Mium Lab a été l’un des pionniers des gummies en France, dès 2018, et dit multiplier par deux son chiffre d’affaires chaque année.
David Gueunoun, son fondateur, avait noté, dans le cadre d’un diplôme universitaire de diététique et nutrition, que les patients, complémentés à vie à la suite d’une opération, rechignaient à suivre leur traitement. « Quand on leur proposait l’hypothèse d’ajouter du plaisir à cette prise quotidienne, les résultats étaient bons. D’où l’idée d’associer l’expérience sensorielle pour augmenter l’efficacité. » Et élargir le spectre au grand public, avec succès. Mium Lab est présent dans plus de deux pharmacies sur trois en Suisse, et figure à la quatrième place sur ce marché en France.
« Je voulais donner ses lettres de noblesse à cette galénique gomme. Car au-delà de l’aspect fun, elle a une vraie utilité pour des patients qui ont du mal à ingérer des gélules ou des comprimés ou sont peu observants. »
Mais à force d’y trouver du plaisir, le danger n’est-il pas de dépasser la posologie en prenant les gummies pour des bonbons ? « C’est là où les canaux de distribution sont importants », répond David Gueunoun. « Nous ne vendons pas nos produits aux caisses des supermarchés, mais en pharmacie et généralement sur recommandation d’un pharmacien, parfois d’un médecin. Nos produits sont fabriqués en France, on ne peut pas faire n’importe quoi. Nous sommes soumis au contrôle de la direction générale de l’Alimentation. En termes de dosage et d’efficacité, on ne se base que sur les études cliniques. Et tous nos gummies sont sans sucres, sans gluten, sans colorant artificiel et vegan. »
Le fait que ces compléments alimentaires soient accessibles sans ordonnance pose cependant question. Car ils échappent à tout consensus scientifique contrairement à la vitamine D, contre la carence de calcium et de phosphore dans le sang, ou la vitamine B9, particulièrement importante pendant les premières semaines de grossesse.
Risques de surdose« Les carences réelles sont rares, précise Émilie Steinbach, docteure en biologie intégrative. Mais quand elles existent, la prescription de compléments alimentaires doit se faire par un médecin de manière personnalisée, en fixant le dosage et la durée suite à une analyse de sang. »
On est donc très loin de ces gummies, dont on peut disposer à volonté par un seul clic sur internet. Avec des risques évidents de surdose. « Il y a plus de risques de surdose avec les gummies cars ils sont perçus, à tort, comme des bonbons, bons pour la santé. »
« De nombreuses personnes pensent que plus de nutriments, cela ne peut pas faire de mal et finissent par avaler une dizaine de gummies chaque jour. »
« Or, même dans le cas des compléments alimentaires reconnus comme efficaces pour la santé, vitamine D, fer, la surdose peut augmenter les risques de mortalité et de certains cancers », poursuit la scientifique.
Sans parler de l’interaction parfois nocive avec certains médicaments. La neuroscientifique, derrière le compte instagram @TheBrainGutScientist, cite notamment le ginkgo biloba, le magnésium, mais aussi « le millepertuis, qui peut diminuer l’efficacité de la pilule contraceptive ». Et elle rappelle que les antioxydants (comme la vitamine A, la vitamine E) augmentent les risques de cancers chez les fumeurs.
Vente libre en question« Quand je parle de risques, ils sont accentués par la vente en ligne, sans l’encadrement d’un médecin ou d’un pharmacien. Particulièrement s’ils sont vendus par d’autres pays. En effet, de nombreux compléments alimentaires disponibles sur internet ont été identifiés comme adultérés. Cela signifie qu’ils renferment une substance non autorisée. Parfois, ils contiennent des substances qui n’ont jamais été testées chez l’homme, ou des substances connues comme dangereuses. »
« Dans un monde où on connaît une pandémie d’obésité, proposer à nos enfants des bonbons pour améliorer leur santé pose question, poursuit-elle. D’autant que ces gummies comportent des additifs, c’est plein de colorants, de sucre ou d’édulcorants qui ont des effets délétères sur notre santé. »
Nathalie Van Praagh