Hommage à "Mémé Yvette", fête avec les fans de Boulogne : le drôle de week-end des supporters du Clermont Foot à Lens

Les supporters du Clermont Foot avaient coché la date du 20 avril et le déplacement au stade Bollaert, à Lens, depuis des mois. Parce que ce voyage dans le nord de la France représente bien plus qu'un match de football. Récit d'un week-end de communion entre Auvergnats et des fans "sang et or".

Qu’est-ce qui peut bien conduire cette soixantaine de supporters à avaler huit heures de route – dans le meilleur des cas – jusqu’au Pas-de-Calais, pliés dans un car parti à minuit de Clermont-Ferrand, un vendredi soir ? Des centaines de kilomètres à travers la France pour rejoindre une tribune du stade Bollaert, à Lens, le lendemain à 21 heures, alors que le maintien du Clermont Foot en Ligue 1 ne tient qu’à la moitié du quart d’un fil.

Dire qu’il ne s’agit que d’une affaire de football serait un raccourci. Cela tombe bien, avant d’entrer dans l’une des plus chaudes enceintes de France, la bande a pris quelques chemins de traverse.   

Sur la route, la “Baronne” de l’Amicale des supporters du Clermont Foot pose le décor. Véronique Soulier, la présidente, déroule un programme chargé, entre rencontres et hommages, à Boulogne-sur-Mer et Lens. Le football est le trait d’union depuis plus de vingt ans de ces hommes et femmes. En dehors du terrain, on se marre avec Titi, on s’hydrate avec les frères Bogdagnôle - pas seulement à l’eau -, on refait le match avec Titou, on chante avec Jean-Marie, etc.   

Jean-Marie, justement. L’ancien incarne à merveille le jumelage entre les Auvergnats et le Pas-de-Calais. Ce Boulonnais s’est entiché de "Véro" lors d’un déplacement des supporters devenu plus qu’amical. Le jumelage dure depuis seize ans. Le détour par Boulogne-sur-Mer était inévitable, ce week-end.

"On est tellement bien reçus là-bas. Ce sont devenus des amis proches, ils sont vraiment généreux."   

Le public sang et or est au foot ce que la Yellow army de l'ASM pèse dans la galaxie rugby. Le Clermont Foot ne joue pas dans la même division, mais ses supporters, par l'image véhiculée par l'Amicale en Ligue 2, puis dans l'élite depuis trois saisons, œuvrent en coulisses. "On essaie de montrer un beau visage, quand on se déplace, on rencontre des gens, on se fait des amis, ça va au-delà du foot", défend la présidente "Véro".  

L'affable Titou abonde. Ce jeune retraité énumère les stades visités depuis trois décennies, de la Nationale à la L1. La montée, "inespérée", pour ce fan, a donné une saveur unique à ses week-ends. Et rajouté des bornes à son compteur.

"J'ai parcouru 14.000 km la première saison en Ligue 1, puis 12.000. Encore 12.000, cette année."

S'il n'y a pas de car de l'Amicale, il prend sa voiture. "Au-delà du match, ce qui nous plaît, c'est de découvrir des villes. On ne serait peut-être pas allés à Strasbourg, Reims ou Nantes sinon." Le bonhomme, collectionneur de maillots et de billets de chaque rencontre, place Lens au sommet des ambiances. Et les supporters au Panthéon.  

S'il existait, ce dernier aurait accueilli "Mémé Yvette", en janvier dernier. L'illustre supportrice de 91 ans, disparue le 19 janvier dernier, avait transformé son domicile, une ancienne maison des mines à Liévin, près du Stade Bollaert, en musée du RC Lens. Peluches, posters, bibelots, photos, maillots, murs repeints et lapin dansant ont façonné ce lieu, menacé depuis sa mort.  

"C'était important pour nous de venir voir sa famille, appuie Véronique Soulier, émue. C'est dur de ne pas la retrouver ici." Entre l'Amicale et les proches, une relation s'est tissée au fil des visites, à Lens ou Clermont. Alors les Auvergnats ont voulu remettre un chèque de soutien aux enfants, engagés dans une lutte avec le bailleur qui entendait récupérer ce QG "sang et or", devenu un lieu culte du RC Lens.

 "Depuis le début, les Clermontois nous soutiennent, dans les mauvais moments, ils étaient là. Ils m'ont aidé à tenir le coup. Qu'il y ait une victoire ou défaite, ma mère les aurait accueillis à bras ouverts. Jamais je n'arriverai à leur rembourser le bonheur qu'ils lui ont donné." 

Le temps presse. Les Clermontois ont une équipe à soutenir à 21 heures, dans l'antre de Bollaert. Au contingent de l'Amicale s'ajoute celui des Nemetum, qui assureront l'ambiance, et d'autres visiteurs. Si la performance des joueurs avait été proportionnelle à l'investissement des supporters, meilleurs représentants de l'esprit clermontois, ils ne seraient peut-être pas repartis avec un aller simple vers la Ligue 2.  

L'opération maintien compromise par la débâcle (0-1) de Bollaert, l'Amicale a mis à profit son dimanche pour poursuivre la tournée d'adieu à la L1. Direction le stade de la Libération, à Boulogne-sur-Mer, où les locaux ont assuré la réception pour noyer la défaite dans la bonne humeur. "Les Clermontois sont nos amis, ça fait des années qu'on se connait et on s'apprécie", accueille le président du groupe de supporters Gérard Calon.

Le repas s'éternise. Les Corons résonnent, "Ici c'est Clermont" répondent les invités. "Que la montagne est belle, chante un Boulonnais. Vous écrirez qu'on est sympas ?" Dire l'inverse serait mentir.  

Dimanche, 16 heures. Le car démarre pour huit heures de route. On ne sait pas si le Clermont Foot reviendra de sitôt affronter Lens, à Bollaert, en Ligue 1. Mais on comprend mieux pourquoi ses supporters n'auraient manqué pour rien au monde ce déplacement. 

Malik KebourVidéo : Greg Gomez