Gastien vu par Corinne Diacre : "Pascal savait où il voulait aller avec son équipe et il l'a prouvé à Clermont"

Elle l'a précédé sur le banc du Clermont Foot mais elle a été pour beaucoup dans la venue de Pascal Gastien en Auvergne. Avant le dernier match de la carrière de l'entraîneur clermontois, Corinne Diacre parle de son ami. De celui "qui ne s'est jamais mis en avant" mais qui laissera, selon l'ancienne sélectionneuse de l'équipe de France, une trace indélébile près du Montpied.

Comment vous êtes-vous rencontrés avec Pascal Gastien ?

On passait le BEPF (Brevet d'entraîneur professionnel de football, NDLR), on ne se connaissait pas du tout et après le premier stage, il m'a tout de suite proposé de covoiturer. On se retrouvait à Poitiers. A l'époque j'étais à Angoulême, lui à Niort et il m'emmenait jusqu'à Clairefontaine. On a eu quelques heures de conversation passionnées et passionnantes, autour du foot notamment. Pendant la formation, on s'est aussi entraidé.

Pour vous, qui est Pascal Gastien ?

C'est une crème, il est généreux, une très belle personne.

Et l'entraîneur, quels mots utiliseriez-vous pour le définir ?

Passionné et professionnel. Il est minutieux. Je l'ai eu au téléphone hier (NDLR, au lendemain de Clermont Foot - Lyon) et il était encore en train de revoir le match face à l'OL. Il ne lâche jamais rien. D'ailleurs, il n'est pas toujours facile parce qu'il a son petit caractère, mais il en faut dans ce milieu. Il ne se met jamais en avant, c'est le genre de personne vraiment humble, mais il a des idées. Il est tétu, pas buté, mais il a suffisamment d'expérience pour être sûr de ses idées. Il a un entêtement à bon escient. En tout cas, il savait où il voulait aller avec son équipe et il l'a prouvé à Clermont. Tant pis pour les autres clubs qui ne lui ont pas fait confiance jusqu'au bout.

On pense à Châteauroux, d'où il a été licencié en 2014, mais où vous avez d'ailleurs failli travailler avec lui...

Oui, Châteauroux venait de redescendre en National, et je lui avais dit que je pouvais lui filer un coup de main, notamment pour la vidéo qui n'était pas trop son fort quand on était en formation. Je pouvais lui faire l'analyse à distance, venir une journée par semaine pour lui faire le débrief. Il me dit "OK", mais qu'il ne peut pas me proposer mieux car en National, c'était compliqué avec le budget. Ça ne me dérangeait pas mais quelque temps après, Claude Michy m'appelle. Je l'explique à Pascal, qui me dit que je ne dois surtout pas hésiter. Je signe donc à Clermont, puis Châteauroux est repêché en Ligue 2 et on se retrouve assez rapidement face à face.À Châteauroux, en 2014, Pascal Gastien aurait pu travailler avec Corinne Diacre, juste avant que celle-ci signe à Clermont.

C'était le 15 août 2014, Châteauroux l'emporte 3-2, et vous découvrez l'homme sur un banc de touche...

... Et je l'entends râler pendant le match ! Je le regarde, et je rigole en me disant : "Mais c'est une bourrique en fait, sur un banc !" (rires)

Quand il quitte La Berrichonne, vous pensez à lui alors que le Clermont Foot va lancer son centre de formation. Vous vouliez lui rendre la pareille ?

Au-delà de ça, j'ai surtout pensé à ses compétences pour le club de Clermont. Mais il m'a dit plusieurs fois non avant de prendre le centre de formation. Même s'il est un formateur dans l'âme, il visait autre chose avec son brevet d'entraîneur professionnel. Il n'avait pas de propositions, il en avait marre de tourner en rond, et il a dit oui. D'ailleurs, il m'a avoué qu'à partir de ce moment-là, il a reçu plein de coups de fil pour entraîner des pros... De son côté, Claude Michy avait pris des renseignements auprès de la DTN de l'époque, qui lui avait répondu qu'il ne pouvait pas mieux avoir pour le centre de formation. Corinne Diacre n'avait jamais vu Pascal Gastien en situation, sur un banc de touche, jusqu'au Châteauroux - Clermont de 2014 : "Je l'entends râler pendant le match ! Je le regarde, et je rigole en me disant : mais c'est une bourrique en fait, sur un banc ?!"

Il paraît que c'est vous qui avez ensuite soufflé son nom à Claude Michy pour vous remplacer, alors que vous alliez prendre les rênes de l'équipe de France féminine, en septembre 2017. C'est vrai ?

Oui, c'est vrai. Le président était au courant assez tôt de ma situation. On ne pouvait rien dire mais je ne pouvais pas ne pas le prévenir. Donc, je lui ai dit qu'il avait la personne idoine au club, avec Pascal. Il connaissait tout le monde, le fonctionnement... J'aurais aimé travailler plus avec lui mais ça lui a permis de rebondir. Avec le président Michy, on était suffisamment honnête l'un envers l'autre, il savait que je ne voulais que le bien du club en lui soufflant le nom de Pascal. Si je m'étais contentée de "placer" un copain, ça n'aurait pas fonctionné. 

Pour vous, c'était la suite logique, pour le CF63...

Mais il a failli refuser ! Il a longuement hésité car il se sentait bien à la formation et il s'était engagé. Avec les pros, il a pu faire le lien avec la formation. Quand on voit des joueurs comme Yohann Magnin, c'est Pascal. Lorenzo Rajot ou Mohamed Bayo, c'est Pascal. Ce qu'ils sont aujourd'hui, c'est Pascal. Tous ces joueurs-là lui doivent beaucoup. "Quand on voit des joueurs comme Yohann Magnin, c'est Pascal. Lorenzo Rajot (NDLR : 2e en partant de la gauche) ou Mohamed Bayo, c'est Pascal. Ce qu'ils sont aujourd'hui, c'est Pascal. Tous ces joueurs-là lui doivent beaucoup".

Et pour vous, a-t-il été inspirant ? Vous a-t-il déjà donné des conseils ?

Il ne m'a pas conseillée, car il a trop d'humilité pour ça. Mais on avait beaucoup d'échanges. On a deux personnalités différentes et j'ai fait des choses qu'il n'aurait peut-être pas faites de la même manière. Mais il m'a guidée. Je me suis servi de son expérience aussi. On est deux passionnés.

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Quelle est votre relation aujourd'hui ?

Nous sommes des amis, et on s'appelle régulièrement. On se soutient beaucoup. On en rigolait souvent : quand on est entraîneur, on reçoit très peu de messages quand on perd. Mais quand on gagne, la boîte est saturée. Nous, on s'est toujours envoyé des messages en cas de défaite car ce n'est pas quand on gagne qu'on a besoin de soutien. Je l'ai toujours soutenu, lui aussi. Énormément d'ailleurs. Il a trouvé le traitement médiatique très dur à mon égard (avant son départ de l'équipe de France, NDLR).

Comment analysez-vous sa dernière saison à Clermont ?

Elle a été très difficile pour lui. Il ne pense même pas à lui, il pense au club, aux salariés, aux joueurs. Il y a eu beaucoup de matchs avec beaucoup de malchance. Ces défaites-là, c'était des matchs que Clermont ne perdait pas la saison dernière. Toute la chance que Clermont a eu la saison dernière, elle a tourné en malchance cette saison. Et puis quand certains cadres vont moins bien, votre équipe est forcément amoindrie. Pour Corinne Diacre, la dernière saison de Pascal Gastien "a été très difficile pour lui. Il ne pense même pas à lui, il pense au club, aux salariés, aux joueurs".

La trace qu'il laissera restera forte au club...

Plus que ça même, avec la montée en Ligue 1. Il y a eu la montée et la descente, mais il a fait un tel travail. Il a mis énormément de choses en place, on lui doit la création du futur centre d'entraînement, le terrain hybride, c'est juste incroyable. Il a aussi eu ce relationnel avec les salariés du club, toujours très respectueux.

Comment imaginez-vous le Pascal Gastien retraité. Loin du football ?

Pas tout à fait puisqu'il vient d'être élu au comité directeur de l'UNECATEF (Union Nationale des Entraîneurs et Cadres Techniques professionnels du Football, NDLR). Donc au grand regret de sa femme (rires), il aura toujours un pied dans le foot. Mais il va pouvoir profiter de sa famille et comme il revient en Poitou-Charentes, on se verra plus souvent.

Propos recueillis par Laurent Calmut